Ses mains ont façonné les instruments des plus grands artistes algériens. Son art, connu et reconnu au-delà de nos frontières, a marqué l’histoire de la musique algérienne, depuis les années cinquante. Mohamed Chafaa, homme de l’ombre, orfèvre chevronné, nous a quittés jeudi dernier à l’âge de 89 ans, après un long et riche parcours dédié à la musique populaire algérienne.
La fratrie Chafaa, originaire d’Azeffoun, est composée de Mohamed, d’Abderrahmane et du jeune Rachid. Elle commence dès 1952 à fabriquer les instruments traditionnels, le mandole principalement, d’abord avec des matériaux de récupération, jusqu’à fournir, peu de temps après et leur renommée faisant, les grands noms de la musique chaâbie et kabyle, comme El-Hadj M’hamed El-Anka, Guerouabi, Amar Ezzahi… Des artistes de la génération suivante, comme Hamidou ou Takfarinas feront également appel aux services de la maison Chafaa. Le premier commandera un violon et le deuxième un mandole à deux manches, son tout premier, puis un mandole électrique, qui suivra l’évolution musicale du chanteur kabyle.
Sa réputation a été telle que les sonorités des instruments auxquels il aura donné vie sont passées sur l’autre rive de la Méditerranée et bien au-delà encore. Takfarinas a écrit sur sa page Facebook après l’annonce du décès de Mohamed Chafaa : “Triste d'apprendre le décès de notre grand maître luthier Mohamed Chafaa. Adhfelas yaafu rebbi. Il a donné vie à des chefs-d'œuvre d'instruments de musique qui ont accompagné la carrière de nombreux artistes de grande renommée. Mes condoléances à sa famille et à ses proches, mes pensées affectueuses à son frère Rachid Chafaa maître luthier qui a façonné mon premier mandole à deux manches.”
Le jeune Zohir Mazari, chef de chœur à l’Opéra d’Alger, a publié ce post à la mémoire du défunt : “Un génie vient de s'éteindre. Le grand et illustre Mohamed Chafaa, maître luthier, nous quitte, laissant derrière lui des chefs-d'œuvre qui immortalisent son nom dans le panthéon des plus grands luthiers. El-Anka, Amar Ezzahi, Guerouabi, Ennaguib, P'tit Moh, Abdeslam Derouache, Mohamed Tailleur et pleins d'autres des plus grands musiciens et chanteurs algériens ont joué leurs plus belles notes sur un instrument signé Mohamed Chafaa, que personnellement je considère comme le plus grand maître luthier qu'ait connu l'Algérie. Sa réputation a traversé les océans, à travers ses mandoles à la sonorité unique.” À noter que l’inhumation a eu lieu avant-hier au cimetière d’Oued Romane, où Mohamed Chafaa résidait.
Yasmine Azzouz/APS