Le journal Liberté est menacé de disparition. Au-delà des postures de militant(e) démocrate défenseur de la liberté d’expression que nous adoptons par principe à chaque fois que nos libertés sont agressées, la mise à mort d’un journal, car c’est de cela qu’il s’agit, est en premier lieu vécue par les journalistes qui l’ont porté et les intellectuels qui ont contribué à son rayonnement comme la fin d’un rêve, d’une utopie généreuse, comme l’échec d’une aventure intellectuelle porteuse d’espérance.
En second lieu, la liquidation d’une entreprise économiquement viable, selon les affirmations de ses propres gestionnaires, par la volonté d’une seule personne, fût-elle l’actionnaire majoritaire, est une agression, une violence impitoyable, exercée à l’encontre de l’ensemble du personnel qui y travaille. Si perdre son emploi dans cette période de crise économique, faite de pandémies, de menaces sur les libertés et d’incertitudes des lendemains est dramatique pour des familles entières qui basculent du jour au lendemain dans la précarité, la frustration du journaliste qui perd au même temps son espace de témoignage, son outil d’expression est une véritable tragédie. Le journalisme, lorsque ceux qui l’exercent en sont dignes, n’est pas uniquement un métier qui offre des perspectives d’emploi, c’est aussi une mission fondatrice de tous les pluralismes. Enfin, quelle tristesse pour ses lecteurs, qu’il accompagne depuis presque trois décennies !
Liberté n’est pas n’importe quel journal. À l’instar d’autres titres emblématiques, il est né dans la douleur de la fausse couche qui a enfanté le pluralisme en Algérie. Porté par des journalistes, hommes et femmes, de conviction, c’est tout naturellement que Liberté, le quotidien populaire, le tabloïde un peu snobé par les bobos, s’est inscrit clairement aux côtés des Algériennes et des Algériens qui ont fait le serment de porter, au prix de leur vie, l’idéal d’une Algérie démocratique et moderne fondée sur la citoyenneté, leur ouvrant ses colonnes sans restriction.
Il les a accompagnés, en consentant le sacrifice du sang, dans les luttes acharnées qu’ils avaient menées contre les tenants de l’État religieux, obscurantiste et leurs alliés. Alliant l’acte à la parole, les hommes et les femmes qui ont fait l’histoire de ce quotidien du peuple ont, durant la décennie du terrorisme où le pays était mis à feu et à sang par les fous de Dieu, contribué à ce que l’Algérie ne sombre pas dans le destin moyenâgeux auquel les fondamentalistes islamistes voulaient l’astreindre. Certains d’entre eux ont payé leur engagement pour la démocratie de leur vie.
Depuis la révolution de février, Liberté a levé l’étendard de l’éthique et du professionnalisme. Il est parmi les rares journaux qui, face à la contre-révolution orchestrée par le système et ses hordes de stipendiés sans honneur, ont été présents tous les jours sur le terrain des luttes pour valoriser et faire connaître à l’opinion nationale et internationale les actes de bravoure, de courage et de détermination empreints de civisme du peuple algérien en lutte pour l’avènement d’un État démocratique et moderne, respectueux des droits de l’Homme. Dans un climat d’adversité marqué par les menaces qui pèsent sur nos libertés, les journalistes de Liberté ont continué de témoigner et d’être la voix de ceux et de celles qui ont subi l’arbitraire et la répression, particulièrement les détenus d’opinion.
La trajectoire historique de ce journal se confond avec les luttes du peuple algérien pour le parachèvement du processus de libération entamé par nos parents lors de la guerre d’indépendance.
Monsieur Rabrab, vous êtes un homme d’affaires d’envergure internationale, vous faites donc partie de l’élite économique de ce pays. Néanmoins, comme personne n’est dupe, nous savons que les affaires ne s’accommodent pas avec les bons sentiments, mais vous savez aussi que Liberté n’est pas une entreprise ordinaire.
Liberté est un journal, et il constitue de ce fait une traduction essentielle du droit à l’information garanti par la Constitution aux Algériennes et aux Algériens. Par conséquent, vous ne pouvez pas, Monsieur Rabrab, vous soustraire à vos obligations éthiques, politiques et morales.
Contribution
“Liberté” a levé l’étendard de l’éthique
Nacer HADDAD Publié 07 Avril 2022 à 12:00
Mumtimedia Plus
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Editorial Un air de "LIBERTÉ" s’en va
Aujourd’hui, vous avez entre les mains le numéro 9050 de votre quotidien Liberté. C’est, malheureusement, le dernier. Après trente ans, Liberté disparaît du paysage médiatique algérien. Des milliers de foyers en seront privés, ainsi que les institutions dont les responsables avouent commencer la lecture par notre titre pour une simple raison ; c’est qu’il est différent des autres.
Abrous OUTOUDERT Publié 14 Avril 2022 à 12:00
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Chroniques DROIT DE REGARD Trajectoire d’un chroniqueur en… Liberté
Pour cette édition de clôture, il m’a été demandé de revenir sur ma carrière de chroniqueur dans ce quotidien.
Mustapha HAMMOUCHE Publié 14 Avril 2022 à 12:00