Annoncée lundi dernier par le ministère de la Culture et des Arts sur décision du président Abdelmadjid Tebboune, la suppression des frais de location des stands au prochain Salon international du livre d’Alger, prévu du 24 au 31 mars 2022 au Palais des expositions des Pins maritimes d’Alger, apporte une bouffée d’oxygène en cette période morose.
Les éditeurs, dans l’impasse depuis plusieurs années déjà, vivent depuis la pandémie une crise qui a fragilisé davantage leurs affaires et la pérennité de leurs entreprises. Dalila Nedjem, à la tête des éditions Dalimen, lourdement impactées par la crise, voit en cette décision un coup de pouce qui pourrait être un début de solution au spectre de la faillite que craignent beaucoup d’éditeurs.
“C’est ce que nous souhaitions le plus”, avance-t-elle. “J’avais déjà posé la question sur une éventuelle gratuité des stands. Il n’était pas possible d’aller au Sila et de payer les stands. On avait d’abord eu une réduction de 30%, mais la gratuité est le meilleur soutien qu’on pouvait avoir pour remettre le pied à l’étrier. On était prêt à repartir au Sila, mais à quel prix ? Ç’aurait été laborieux, on y serait allé sans conviction, surtout à la veille du Ramadhan.”
Et de poursuivre : “La gratuité soulage l’éditeur et la corporation, et cela nous permettra bien sûr de pouvoir faire davantage de remises pour renflouer toutes les pertes que nous avons subies ces deux années.”
Brahim Djelmami-Hani, directeur général des éditions Sédia, pense, de son côté, que cela soulagera un tant soit peu sa maison d’édition des charges suffocantes qui l’attendaient : “Avant cette décision, on était dans le désarroi. Les maisons d’édition souffrent énormément. Depuis la crise sanitaire on a très peu publié, parce que pas de lecteurs et pas de salons où promouvoir nos livres. Le Sila, c’étaient 40 à 45% de notre chiffre d’affaires. L’Enag, qui prenait en charge l’organisation du Sila, louait le mètre carré à 4 000 DA hors taxes. Avec tous les titres qu’on a en littérature, parascolaire, etc., si on prend 40 m2, je vous laisse faire les comptes…”
Et à l’éditeur d’expliquer que les bénéfices faits sur la location seront répercutés sur les promotions proposées au public. “Il y aura des promotions en effet. Notre maison d’édition ne s’attend pas de toute manière à faire des bénéfices, mais ce que nous souhaitons surtout, et c’est le but de notre métier, c’est la rencontre avec les lecteurs.”
L’historien et écrivain Rachid Khettab, à la tête des éditions Dar El-Khettab, estime que cette annonce est “encourageante (...) parce que depuis quelques années nous sommes au creux de la vague. L’édition est dans un état sinistre, donc cette mesure est la bienvenue. Il en était temps aussi parce que partout ailleurs il y a eu des encouragements faits dans ce sens tandis que nous attendions que ‘ça vienne’”.
Et M. Khettab de poursuivre : “Quand le Sila était programmé au mois de novembre dernier, le prix du mètre carré était d’ailleurs à 6 000 DA, ce qui est très élevé ! Il a ensuite été réduit à 4 000 DA, et même avec ce prix, je connais des gens qui ne pouvaient exposer à ce tarif.”
Par ailleurs, interrogé sur la possibilité de bénéficier de ces mesures en dehors de cette situation de crise, l’éditeur espère que ces décisions ne restent pas conjoncturelles et soient appliquées de manière permanente.
“Même avant la crise de la Covid-19, il était très difficile de rentrer dans ses frais avec les prix pratiqués. Parfois on travaillait même à perte. Mais nous étions obligés d’y participer, parce que c’est une vitrine pour notre maison et une place qu’on ne veut pas perdre.”
Le 25e Sila sera un test pour toutes les maisons d’édition algériennes qui tablent sur ce rendez-vous littéraire incontournable afin d’espérer stabiliser leur situation financière.
Indéniablement, et pour peu qu’il y ait un accompagnement des pouvoirs publics, les éditeurs entendent bien renouer avec leur public.
YASMINE AZZOUZ