Inéluctable. Liberté mourra de sa belle mort. La sentence nous est tombée sur la tête tel un couperet, sans préavis, sans le moindre des égards dus à un collectif qui a bravé, trois décennies durant, tous les dangers pour continuer à porter la voix des forces saines de la société algérienne. Avec la disparition de Liberté, c’est un pan de la vie nationale qui s’écroule. La voix des sans-voix, le porte-étendard des libertés, le défenseur des opprimés va s’éteindre dans le fracas d’une politique cahotique qui n’a eu de cesse de ruiner les espoirs d’un lendemain meilleur.
Le journal a su se frayer, dès 1992, dans un contexte pour le moins explosif, un chemin dans le tumultueux paysage médiatique en construction. Petit à petit, son aura finit par rayonner aux quatre coins du pays pour porter les valeurs démocratiques, de liberté et de respect des droits de l’Homme. Le chemin a été éprouvant, entre pressions politiques et menaces terroristes, mais au bout, fut le couronnement.
La ligne éditoriale foncièrement républicaine et progressiste a permis à un lectorat nombreux et fidèle de s’attacher à Liberté, à sa liberté. C’est cela qui a permis à notre journal de gagner en suprématie, dans un champ médiatique pourtant foisonnant de titres concurrents. Mais il était peut-être écrit que tout l’édifice construit à la force des plumes tout au long des trente années passées s’affaisse subitement sous le poids d’une décision absurde.
Le coup de grâce. Certainement inattendu. Car il intervient à un moment où le collectif faisait face à d’inquiétantes pressions et autres intimidations provenant des autorités. Le journal dérange parce qu’il s’est accroché à son indépendance et à son professionnalisme pendant que le paysage médiatique, à quelques exceptions près, a rendu les armes sans combattre. L’attrait de l’argent de la publicité, pour les uns, et la peur de représailles, pour d’autres, ont achevé d’inhiber les résistances.
Le modèle médiatique voulu par les dirigeants du pays peut donc se mettre en place sans trop d’accrocs. Cette conception singulière du métier a écrasé de tout son poids un système médiatique qui voit sa crédibilité entamée et son influence amenuisée. Dans un monde en pleine tourmente et où les menaces se font de plus en plus précises, le pays a plus que jamais besoin d’une presse forte, professionnelle et crédible. Reste à savoir s’il n’est pas trop tard pour bien faire.■