En 2013, il a été question de s’engager auprès d’une entreprise italienne spécialisée pour démolir une cité qui aurait causé une centaine de morts parmi les riverains depuis les années 1980, selon des informations données par les habitants eux-mêmes.
Alors que l’opération de démolition de “Batimate Taliane” entre dans son cinquième jour, le problème de la dangerosité du site, du fait de la présence de l’amiante dans les composants de construction, n’est toujours pas résolu. En effet, et comme les vidéos mises en ligne l’attestent, aucune mesure appropriée ne semble avoir été prise en vue de désamianter le site malgré les alertes lancées d’un peu partout sur les réseaux sociaux. L’exemple le plus édifiant est venu de l’Association de protection du consommateur et son environnement (Apoce), dont le bureau local a évoqué une “mise en danger des citoyens”. Une autre réaction a été enregistrée du côté de la Commission de la santé, de l’hygiène et de la protection du consommateur de la commune d’Oran, qui a appelé les citoyens et les riverains à “Batimate Taliane” de se tenir éloignés du site ou de se protéger à cause de la présence de l’amiante et de la propagation de ses fibres cancérogènes dans l’air pendant la démolition. En cause, des questions qui restent en suspens, et la première d’entre elles est le choix de l’entreprise chargée de la démolition.
L’opération de destruction a été confiée, nous dit-on, à un entrepreneur de Mostaganem et les déchets de construction sont acheminés par camion vers un entrepôt à Chehaïria, commune relevant de la daïra de Bethioua. Pourtant, en 2013, il a été question de s’engager auprès d’une entreprise italienne spécialisée pour démolir une cité qui aurait causé une centaine de morts parmi les riverains depuis les années 1980, selon des informations données par les habitants eux-mêmes. Sur place, des bulldozers, des Poclain et des pelles mécaniques s’activent au milieu de la poussière dégagée par les travaux. Une situation d’autant plus critique puisque, une fois endommagé, l’amiante libéré dans l’air constitue un sérieux danger pour la santé. Néanmoins, rien n’a été fait pour éviter une telle situation et les gens vaquent normalement à leurs occupations quotidiennes, d’autant plus que le site en question est situé dans un carrefour de grande densité.
Si certains travailleurs portent un simple masque de protection, d’autres, par contre, ne prennent même pas la peine de s’équiper. “La proximité des Jeux méditerranéens ne doit pas prévaloir sur une question de santé publique”, s’indigne Majid, un quadragénaire, rencontré près du site, pour qui la priorité doit être donnée aux citoyens. Selon les spécialistes, le désamiantage nécessite des équipements spécifiques et des procédures techniques qui permettent de réduire les risques sur l’environnement et sur le personnel chargé de l’opération.
Un décret, en France, impose l’obligation de porter des équipements de protection individuels (EPI), choisis après analyse des risques, à l’image de la combinaison de type 5 avec capuche, du masque respiratoire (demi-masque filtrant ou masque complet doté d’un système de ventilation assisté), de lunettes de protection, de gants et de bottes. La combinaison doit être fermée au cou, aux chevilles et aux poignets. Après usage, les masques, les filtres et les vêtements jetables doivent être considérés comme des déchets et suivre la même procédure d’élimination. Procédure loin d’être respectée dans le cas de “Batimate Taliane” ou dans des interventions de même type dans la wilaya d’Oran qui génère annuellement 953 t d’amiante, selon une étude sur les déchets spéciaux et les déchets spéciaux dangereux, commandée en 2017 par la direction de l’environnement locale.
Ces déchets proviennent principalement des travaux de réhabilitation et de démolition dans le secteur du bâtiment et des travaux publics. Utilisé systématiquement dans la construction en Algérie, particulièrement dans les années 1980, l’amiante se retrouve même dans les écoles. Les services techniques de la commune d’Oran ont affirmé, selon un compte rendu de la presse en 2019, que le nombre d’établissements scolaires contenant de l’amiante au niveau de la wilaya n’est pas important et que plusieurs ont déjà fait l’objet de démolition. Cependant, et malgré cette levée de boucliers, aucune explication ou assurance n’a été donnée par les autorités locales ou les administrations concernées sur le risque de l’amiante, alors que les Oranais attendent de voir de quoi sera fait l’avenir de l’assiette foncière, dédiée officiellement à abriter un jardin moderne et un complexe culturel.
SAÏD OUSSAD