Magazine Malgré une très grande richesse halieutique

En Guyane, la filière pêche reste à quai

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AFP Publié 25 Mars 2022 à 17:59

Malgré une zone économique exclusive de 126 000 km2, la Guyane ne compte qu’une centaine de navires de pêche. © D.R
Malgré une zone économique exclusive de 126 000 km2, la Guyane ne compte qu’une centaine de navires de pêche. © D.R

En Guyane, malgré la très grande richesse halieutique, la filière pêche est moribonde et les stocks de poissons sont menacés par les pêcheurs clandestins, contre lesquels les autorités peinent à lutter.

“On n’arrive plus à vivre de notre travail”, explique Jorge, pêcheur de 37 ans croisé au marché aux poissons de Cayenne, chef-lieu de ce département français d’Amérique du Sud, limitrophe du Brésil et du Suriname. “À cause de la pêche illégale nous devons aller loin en mer. Pêcher nous coûte plus cher que ça nous rapporte.” Malgré une zone économique exclusive de 126 000 km2 – pour une superficie terrestre de 86 504 km2 – la Guyane ne compte qu’une centaine de navires de pêche “mais 43 seulement sont actifs pour environ 160 marins”, précise Michel Nalovic, ingénieur halieutique au Comité régional des pêches. Un “marasme” auquel le manque d’infrastructures participe. Seuls deux ports de pêche, loin des standards européens, existent : au Larivot près de Cayenne et à Sinnamary, au centre du territoire.
 
Ressources non exploitées 
Pourtant, les eaux guyanaises sont particulièrement riches “en raison de la proximité avec le détroit de l’Amazone”, précise Fabien Blanchard, délégué régional de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer). “Actuellement, on ne profite pas des ressources de la Guyane”, poursuit Michel Nalovic du Comité des pêches. Selon lui, la faiblesse de la filière légale laisse la place aux clandestins qui exploiteraient 60% des ressources halieutiques de la Guyane, d’après un rapport du Sénat français sur la place des Outre-mer dans la stratégie maritime nationale, paru le 24 février 2022. 

Ces flottilles illégales venues du Brésil, du Suriname et du Guyana affaiblissent les stocks de poissons. L’acoupa rouge, particulièrement ciblé pour sa vessie très prisée en Asie, sera bientôt classé “en danger” si rien n’est fait pour le protéger, selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). “Si on cumule pêche légale et illégale, la ressource n’est pas à l’équilibre”, affirme Fabien Blanchard. “Les illégaux sont un danger car ils prélèvent plus de poissons, leurs filets sont plus longs et les mailles plus importantes, alors que pour les légaux les règles européennes limitent à 2,5 km la longueur.” Lors de la dernière saisie, le 11 mars, 20 kg de vessies ont été récupérées sur six navires clandestins brésiliens, totalisant plus de 18 km de filet et 4,5 t de poissons, dont des espèces protégées, raies et requins, pêchées illégalement. En 2021, 167 tonnes de poissons ont été saisies par les autorités. 
 
Biodiversité menacée
Ce non-respect des normes européennes a pour autre conséquence la multiplication des captures accidentelles. Du fait de ces captures, “la pêche illégale est la principale menace aujourd’hui pour les grands cétacés et les grands vertébrés”, constate Laurent Kelle, le responsable du bureau WWF de Guyane. En particulier les tortues marines et le dauphin de Guyane, classés “en danger” par la Direction générale des territoires et de la mer. Pour le biologiste Laurent Kelle qui effectue des survols réguliers de l’Ouest guyanais, les efforts dans la lutte contre la pêche illégale sont “trop fluctuants”. “L’État nous dit que la Guyane est bien dotée en termes de moyens. Nous ne sommes pas experts de la lutte mais nous trouvons qu’ils sont centralisés entre Kourou et Cayenne, alors que la pêche illégale frappe surtout aux frontières.” “La Guyane est pillée et la lutte n’est pas assez efficace. La Marine fait de son mieux mais ils sont seulement 80 marins”, peste Michel Nalovic. Selon cet expert, 240 km de filets sont saisis par an par les autorités : “200 km de filet, si on relativise, c’est 30 bateaux sur un an. C’est ce qu’il y a par jour en mer !” Exaspérés, les armateurs guyanais ont en octobre émis l’idée de se constituer en collectif afin de lancer une procédure judiciaire contre l’État, qu’ils accusent d’“écocide”.

 


AFP 

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