À l’occasion de la célébration des soixante ans d’indépendance, un groupe de personnalités de tous bords ont décidé d’unir leurs plumes pour dire, chacun, son attachement à l’Algérie. Dans un ouvrage attachant, coordonné par Nazim Benhabib et Émile Martinez, plus de 20 intellectuels, diplomates, écrivains et d’autres issus de métiers différents, ont raconté chacun à sa manière le lien qui l’unit à l’Algérie et les traits d’union qui existent entre la France et notre pays. Parmi les contributeurs au livre intitulé Je suis vêtue de la peau fraternelle, édité aux éditions Frantz-Fanon, on trouve Daniel Blanc. L’homme, qui travaille aujourd’hui en énergétique, n’a pas de filiation directe avec l’Algérie. Mais un drame familial le lie, éternellement, à notre pays.
Le 31 mars 1960, son père Camille Blanc est assassiné, chez lui, à Évian (est de la France), par un commando de l’Organisation armée secrète (OAS). Son seul tort ? Maire d’Évian-les-Bains, il a décidé et assumé d’accueillir les deux délégations, celle du FLN et du gouvernement français, pour des négociations visant à mettre fin à la guerre d’indépendance. Malgré l’avertissement des ces ultras de “l’Algérie française”, le maire continue son œuvre et, comme un pied de nez au destin, refuse même de prendre au sérieux les menaces terroristes. L’homme est mort et devient, pour le fils Daniel, alors âgé de 12 ans, le héros. Dans son témoignage, il raconte cette nuit maudite durant laquelle une bombe est posée à côté de la fenêtre du salon de la maison familiale. Ce drame, cette blessure lui ont fait découvrir un pays qu’il ne connaissait pas alors : l’Algérie.
Parmi les témoignages de ceux qui ont une filiation “religieuse” avec l’Algérie sans jamais y mettre un pied, celui de Haïm Korsia est emblématique. Le grand rabbin de France est issu d’une famille juive originaire d’Algérie, dont les ancêtres ont exercé des missions similaires dans des synagogues de l’ouest du pays, notamment. Pour ce quinquagénaire, né en 1963 donc, après l’indépendance, l’Algérie se résume à des anecdotes familiales, des plats gastronomiques et autres clichés.
Mais jamais de présence physique. Ce n’est pas le cas de Paul des Farges. L’Archevêque d’Alger est natif de Bordeaux, en France. Mais contrairement à Haïm Korsia, celui qui fut pendant longtemps l’archevêque de Bône et de Constantine a la double nationalité. Il est Français et Algérien. Il peut donc aimer ses deux pays. De l’Algérie, il raconte son vécu, les prières accomplies à Notre-Dame d’Afrique et dans d’autres églises d’Algérie. Il a développé sa vision de la réconciliation franco-algérienne et les moyens d’y parvenir. Ghaleb Bencheikh, lui aussi porteur de la double nationalité, a écrit une contribution portant sur la situation de l’islam, tant en Algérie qu’en France, et la vision réductrice qui est diffusée en France à propos de l’islam, réduit à la violence.
Dans l’histoire tumultueuse qui unit l’Algérie à la France, des noms font figure de porte-emblème. C’est le cas de Jacques Chevallier, qui, tout en étant maire et député d’Alger, a laissé son empreinte chez des générations entières d’Algériens, y compris chez des militants nationalistes. Sa fille Corinne, qui vit toujours à Alger, raconte son attachement à notre pays à travers des anecdotes et des événements familiaux qui ont jalonné sa vie et marqué celle de sa famille.D’autres plumes, à l’image d’Alice Cherki, de Georges Timsit, de Nordine Aït Laoussine, de Didier Nébot, d’Anne Pouteau et d’autres encore, ont laissé leur empreinte dans cet ouvrage de 320 pages qui restera à coup sûr un marqueur des liens humains et intellectuels qui unissent les peuples, français et algérien, malgré les tumultes politiques et les aléas de la diplomatie.
Ali Boukhlef
Je suis vêtue de peau fraternelle, ouvrage collectif coordonné par Nazim Benhabib et Émile Martinez. Frantz-Fanon Éditions, Boumerdès. 2022. 1 000 DA.