Chroniques

Le sourire algérien ou l’homme “m’channaf” !

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Amin ZAOUI Publié 23 Mars 2022 à 21:53

L’Algérien m’channaf en permanence ! Une intempérie humaine qui dure ! Le sourire a une nationalité ! Il y a le sourire algérien, américain, italien, belge, égyptien et autres. Et chaque sourire a sa culture et ses repères. Le sourire a une image avec des traits locaux, des reliefs et une météo.
Chaque nation, chaque peuple a son sourire ; sa façon de sourire ou de se sourire, avec des grimaces spécifiques, des mines typiques et une dentition distincte ! Le sourire est une culture. Il existe le sourire politique, le sourire religieux, le sourire moqueur, le sourire de tentation et le sourire sensuel ! 
On sourit par le visage, par les dents, par les gestes, par les yeux et par les larmes. Sourire est une expression de liberté, de satisfaction et de bonheur. Sourire jusqu’au bord du rire est un signe de bonne santé intellectuelle, psychique et sociétale. 
Il y a le sourire jaune, le sourire noir, le sourire taquin, le sourire enfantin, le sourire froid, le sourire aveugle et le sourire lumineux. Le sourire est un langage, un discours sans mots, silencieux, mais plein de messages. Chaque sourire est codifié.  
Le sourire a sa place dans la rue, au travail, dans les moyens de transport en commun, dans un aéroport.
Il y a le sourire matinal, celui de la sieste et celui du soir, et chaque sourire a son charme et son parfum.    
Le sourire est marqué par la géographie et par l’histoire. Chez nous, l’Algérien ne sourit pas ou 
rarement ! Un être toujours m’channaf ! Toujours mécontent. Chez lui, en lui, quelque chose de bizarre bloque ce désir humain ! Chez nous, le sourire est menacé par la censure morale. Par l’intimidation. Par l’hypocrisie. On se méfie de celui qui sourit et on tolère celui qui grogne.
Sous d’autres cieux, on appelle le dentiste ou le chirurgien-dentiste le “faiseur de sourires”, le “magicien du sourire” ! Chez nous, on l’appelle “arracheur de dents” ou “piocheur de caries” ! Chez nous, on ne façonne pas un sourire, on le tue ! On n’allume pas un sourire, on l’éteint. 
Une société pauvre en citoyens souriants est une société malheureuse, souffrante et blessée. Et nos villes, comme nos rues, sont dépouillées de sourires. Dans les rues d’Alger ou dans n’importe quelle ville algérienne, le matin, à midi ou le soir, aux heures de pointe ou les jours fériés, qu’importe le temps, qu’importe la saison, l’Algérien se déplace le visage fermé, comme habité par une colère permanente ou prêt à une bagarre cruciale ! Le tempérament de l’Algérien est généralement colérique. Il parle à haute voix, toujours sur un air offensif et agressif. Le visage fermé comme pour attaquer ou comme en attente d’un coup imprévu !  
Le fou rire est un signe de malédiction. Annonciateur d’une catastrophe. Après un fou rire, ou même un simple rire, l’Algérien commente ce fait : espérons que ce rire ne cache pas un grand mal, “Allah yajâalaha khir” ! Après chaque fou rire, long rire, petit rire, l’Algérien prie son Dieu de l’épargner d’un malheur qui le guette ! 
Le rire est un porte-malheur pour le rieur comme pour son groupe social ! L’Algérien est un être avec un sourire qui dure un instant chimère et la colère qui dure toujours. Parce que, chez nous, tout est contrôlé, tout est filtré, tout est soupçonné, suspect, mal vu, le sourire comme le rire ne sont qu’un pas dans la zone des interdits !  
Le sourire est un égarement. 
Le peuple qui ne sourit pas est un peuple traumatisé. Une société anxieuse. Le sourire est un acte libérateur. Sauveur. L’être souriant est un apôtre pour la paix et pour le bonheur.           
Aux yeux de la société frustrée, le souriant ou le rieur est quelqu’un de mal éduqué !
Il y a le sourire d’un homme et le sourire d’une femme. Chez nous, le sourire a un sexe ! Tout sourire ou rire venant de la part d’une femme ou d’une jeune fille est vu comme une attaque déclarée contre la morale et contre les gardiens de la morale. La femme ne doit jamais sourire dans la rue, devant des mecs aux traits fermés, aux intentions cachées. Entendre un rire ou voir un sourire féminin, pour un Algérien, est une provocation. La femme qui rit ou qui sourit est une femme légère !
Nous sommes une société triste, où le sourire est, plus que jamais, d’une grande nécessité. 
 

Par AMIN ZAOUI

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