Le conseil des représentants libanais a fixé, mardi dernier, la date du 27 mars 2022 pour la tenue des législatives, prévues initialement pour le 8 mai 2022. Une éventuelle opportunité pour l’opposition de se placer dans une conjoncture où le pays est au bord de l’effondrement.
Il y a deux ans, la révolution libanaise. Elle connut le même sort que les autres révolutions arabes. Répression et contre-révolution les ont achevées.
Plus grave encore, le pays est plongé dans une crise économique sans précédent, et l’explosion au port de Beyrouth a fini par révéler l’ampleur des dégâts provoqués par la gestion de responsables politiques depuis 1990. Ils ont mis le Liban à genoux et bénéficient de l’impunité totale.
La classe politique traditionnelle est omniprésente et compte le rester, comme le prouvent les tentatives de faire échouer l’enquête sur l’explosion du port de Beyrouth ou celle liée aux responsables financiers soupçonnés d’être impliqués dans la faillite du pays.
La classe dirigeante reste soudée malgré ses divergences, notamment pour faire obstacle à l’enquête sur l’explosion qui a fait plus de 200 morts et dévasté des quartiers entiers de la capitale.
Le 14 octobre dernier, le puissant mouvement chiite Hezbollah a fait défiler ses partisans et ceux de son allié, le mouvement Amal, au cœur de Beyrouth pour réclamer le remplacement du juge chargé de l’enquête. Des manifestants ont soudainement essuyé des tirs, déclenchant des violences qui ont fait sept morts. Le parti chiite a accusé Forces libanaises de Samir Geagea d’être derrière les tireurs.
“Nous avons tout essayé face à cette classe politique : les manifestations, les sit-in, la poursuite des ministres et des députés dans les cafés et les restaurants, les blocages de route... Rien n’y fait”, affirme à l’AFP Firas Hamdane.
Cet avocat, défenseur de militants arrêtés lors des protestations, a eu le cœur transpercé par une balle lors de la répression d’une manifestation au lendemain de l’explosion au port le 4 août 2020.
Pour lui, “les élections législatives constitueront une étape très importante dans la confrontation” entre “ceux qui veulent édifier un État” et une classe politique “formée de voleurs et d’assassins qui ne connaissent que le langage des armes, de la destruction et du sang”.
La contestation a donné naissance à une multitude de mouvements et de partis embryonnaires, ralliant également des partis traditionnels qui se sont désolidarisés de la classe au pouvoir, comme le parti Kataëb, dont trois députés ont démissionné à la suite de l’explosion au port.
Même si tous appellent à un changement politique, ces groupes ne sont pas d’accord sur le moyen d’y parvenir et divergent sur plusieurs questions fondamentales, comme celle des armes du Hezbollah. Leurs divergences et éparpillement risquent une fois de plus d’ouvrir la voie aux partis traditionnels pour continuer à gérer, comme ils l’ont toujours fait, “dans l’impunité”.
Zeïna Helou, membre du bureau politique d’un groupe nouvellement créé par des militants, Lana (Pour nous), estime qu’il est nécessaire d’entamer une nouvelle étape visant à unifier les groupes de l’opposition en vue des élections. Elle explique que les législatives prévues au printemps 2022 constitueront “une nouvelle bataille dans la guerre ouverte” contre le pouvoir.
“La confrontation sera difficile”, reconnaît la militante, et “ne se déroulera pas à armes égales”, l’opposition ne disposant pas des moyens matériels et logistiques du pouvoir, qui profite également d’une loi électorale taillée sur mesure. Certains reprochent toutefois aux groupes de l’opposition leur manque de coordination et de mobilisation en vue des élections.
R. I./AFP