Résumé : Lla Sakina consent à recevoir les deux femmes. Elle est si vieille et fatiguée qu’elle peut à peine se lever de sa couche. Elle reconnaît pourtant Mimouna et évoque avec elle le bon vieux temps. C’était elle-même qui l’a assistée lors de tous ses accouchements et aussi aidé Saléha à mettre au monde ses trois premiers enfants, dont Mordjana, l’aînée.
Comme pour appuyer ses dires, elle passe une main sur la joue de la jeune femme, et Mordjana suit son geste, avant de porter elle-même la main à sa joue.
- Tu es belle, ma fille. Tes deux joues ne portent aucune tache disgracieuse. Dieu a été Clément avec toi.
- J’avais une tache de vin sur ma joue gauche, lance la jeune femme d’une voix à peine audible. Jai… j’ai subi une intervention et tout est rentré dans l’ordre.
- La clémence de Dieu est incontestable, ma fille. Rendons-Lui grâce à tout instant.
- Que Dieu soit loué.
Sakina met une main dans son corset et sort un chapelet qu’elle se met à égrener.
- Ta tristesse me fend le cœur, Mordjana. Depuis combien de temps es-tu mariée ?
- Bientôt trois années.
La vieille femme secoue la tête.
- Ne trouves-tu pas qu’il est un peu tôt pour s’alarmer ?
- C’est ce que je ne cesse de lui répéter, lance Mimouna.
- La nouvelle génération est tellement pressée dans son quotidien que nous sommes entraînés contre nous-mêmes dans leur promptitude.
Elle se tait un moment, avant de se moucher et de demander :
- Tu as déjà consulté, Mordjana ?
- Oui. Samir mon mari aussi est passé sous le joug de mes préoccupations et n’a pas hésité à se rendre chez de grands spécialistes. Hélas ! Le diagnostic était le même pour nous deux : nous sommes aptes à procréer. Nous avons alors attendu et espéré. Mais rien ne semble venir.
- La patience est un autre atout à adopter, ma fille. Il est possible qu’il y ait une petite anomalie chez l’un de vous deux qui a échappé aux médecins, mais il est trop tôt pour se prononcer.
Elle se met à se masser les poignets avant de se lever et de demander à Mordjana de s’allonger sur le matelas.
- Je vais te faire un premier massage pour ramollir les muscles de ton abdomen.
La jeune femme jette un regard interrogateur à sa grand-mère, et cette dernière opine du chef, avant de se lever pour quitter les lieux.
Sakina palpe le ventre et les seins de Mordjana.
- Tout semble normal dans ton corps. Je ne vais pas te bercer d’illusions, mais à mon avis tu pourras avoir un enfant sans problème.
- C’est ce que disent les médecins.
- Alors, laissons le temps nous donner sa réponse.
Elle se saisit d’une fiole d’huile et en verse un peu sur ses mains, avant de commencer à masser les cuisses et le bas-ventre de la jeune femme.
La séance dure une bonne demi-heure. La vieille femme, qui reprend difficilement son souffle après chaque effort, s’arrête enfin.
- Voilà. C’est assez pour aujourd’hui. Tu peux te rhabiller.
Mordjana se relève. Elle a l’impression que tous ses muscles se ramolissent. Le massage l’a détendue, mais elle se sent très lasse.
- Pour cette première séance, tu vas te sentir fatiguée, ma fille. Reviens dans deux jours. Cela ira mieux. La troisième séance, nous la programmerons pour la semaine prochaine. Si cela ne donne rien dans deux mois, c’est qu’il y a une autre anomalie dans ton organisme qui ne te permet pas d’enfanter. Peut-être une maladie d’enfance. Ce que je viens de te dire là est aussi valable pour ton mari.
Mimouna, qui attendait dans la chambre à côté, revient et remercie la vieille Sakina, avant de glisser quelques billets dans son corsage.
Elle suit sa petite-fille et hèle un taxi pour rentrer. Samir a appelé à maintes reprises sa femme, sans recevoir de réponse. Inquiet, il ne s’est pas rendu à son travail.
Il fait les grands pas dans la cour de la maison, lorsque son portable se met à sonner. Il reconnaît le numéro de Mordjana et décroche instantanément
- Allô ! Mordjana ? Où étais-tu donc passée ? Pourquoi ne répondais-tu pas à mes appels ?
La jeune femme reprend son souffle et répond :
- J’étais chez une vieille matrone. Une ancienne connaissance de la famille. Ma grand-mère Mimouna m’avait accompagnée. Nous venons juste de revenir.
- Tu as été chez une matrone ?
- Oui. C’est une femme qu’on vient voir d’un peu partout. Elle est expérimentée et connaît bien son métier.
- Que t’a-t-elle donc conseillé ?
- Elle m’a fait un massage. Dans deux jours je dois repasser pour une deuxième séance. La dernière aura lieu dans une semaine. Ensuite, nous n’aurons qu’à prendre notre mal en patience.
à suivre
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