Le bras de fer opposant les artisans boulangers aux Directions du commerce dans plusieurs wilayas du pays se poursuit autour du prix du pain ordinaire, que beaucoup vendent à 15 DA au lieu de 10. Le président de l’Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA) de Béjaïa, Samir Mamasse, a plaidé pour la préservation du métier de boulanger. Un métier qui se rétrécit, selon lui, comme une peau de chagrin : “Ils étaient quelque 500 boulangers il y a une décennie. il n’en reste que 260 encore en activité. Il s’agit essentiellement de boulangeries familiales, qui n’emploient quasiment personne, car les jeunes refusent de travailler pour 1 000 DA la journée, alors qu’un manœuvre dans la maçonnerie en touche 1 800.”
La solution n’est pas dans la sanction, dit-il avec insistance, mais dans le dialogue avec les représentants des boulangers. Les pouvoirs publics doivent, selon lui, intervenir afin de “préserver et le métier de boulanger et l’image de tout un pays”. Il faut dire que le bras de fer engagé par les boulangers de la wilaya de Béjaïa avec la direction du commerce, n’est pas près de connaître son dénouement. En témoigne la réunion, tenue hier au siège de la Direction du commerce, entre les représentants des boulangers et le nouveau directeur du commerce de Béjaïa qui s’est terminée en queue de poisson. Il a reconnu que certaines boulangeries ne fabriquent que très peu de baguettes à 10 DA, d’où la pénurie.
À Sétif, cela fait plusieurs jours que des opérations de contrôle inopinées sont opéres par les agents de la Direction de wilaya du commerce au niveau des 640 boulangeries de la wilaya. “Nous n’avons relevé aucune infraction concernant la hausse des prix du pain ou l’absence de pain ordinaire sur les étals”, nous dira d’emblée Abdelhak Krache, chef de service de la concurrence et des pratiques commerciales à la Direction du commerce de Sétif, invitant les consommateurs à signaler toute augmentation du prix du pain ordinaire ou autre infraction. Sur le terrain, le constat semble tout autre, car nombreux sont les boulangers qui ne vendent quasiment plus le pain ordinaire ou alors en petites quantités.
Ce que le président de l’Association pour la promotion de la qualité et de la protection du consommateur (APQPC) de la wilaya de Sétif n'a pas hésité à dénoncer, affirmant que les boulangers qui font ce que bon leur semble imposent leur diktat. “Nous constatons toujours l’absence de la baguette subventionnée par l’État car souvent et sauf exception, seul le pain amélioré est sur les étals”, a-t-il déclaré. “Nous nous demandons où vont les quantités énormes de farine produites à l’échelle de la wilaya de Sétif, estimées à 6 500 quintaux/jour selon le représentant des minotiers de la wilaya lors d’une réunion officielle à la Direction du commerce”, a-t-il ajouté, insistant sur le fait que “cela se passe au moment où les autres variétés de pain sont disponibles à longueur de journée, sans parler des viennoiseries et pâtisseries dont la pièce dépasse les 350 DA”. Dernièrement, un boulanger à Sétif a mentionné que le sachet coûtera désormais 5 DA.
Pas de pain ordinaire au-delà de 13h
Dans l’ouest du pays, les choses ne sont pas tellement différentes du reste du pays, où à Oran, les boulangers ont décidé, de manière unilatérale, d’augmenter le prix du pain ordinaire, avec le risque de se voir sanctionner pour une augmentation qui n'a pas été autorisée par les pouvoirs publics et dénoncée aussi par l’UGCAA. En effet, les boulangers recourent à tous les subterfuges rendant indisponible le pain ordinaire au-delà de 13h. Le consommateur se voit ainsi contraint de rebrousser chemin ou d’acheter du pain dit amélioré à 15 ou à 20 DA la baguette qui se vend uniquement dans certains endroits. Les boulangeries ayant franchi le pas en augmentant unilatéralement la baguette de pain se sont justifiés, lors d'un sit-in jeudi dernier, en invoquant l'inflation des prix des intrants, qui ne leur permet plus de tenir économiquement.
D'ailleurs, suite à des contrôles des agents de la DCP, des mises en demeure auraient été transmises, nous ont appris certains boulangers. Le représentant du comité des artisans boulangers, F. Baïche, a expliqué que “certains boulangers se sont mis à vendre la baguette 15 DA, parce que les prix des intrants ont connu une forte inflation”. S'agissant de la vente du pain amélioré, ce dernier explique encore : “Les boulangers ne disposent pas de farine en quantité suffisante. Il n'y a plus les quotas dans les minoteries et donc l'après-midi, pour continuer à travailler, ils font ce pain amélioré.” Dans la wilaya de Mascara, les boulangers jouent au chat et à la souris avec les contrôleurs de la DCP, en vendant le pain à 10 DA lorsqu’ils sentent leur présence et à 15 DA lorsqu’ils s’en vont, pénalisant le consommateur qui ne sait plus à quel saint se vouer.
Correspondants