Dans un communiqué, les éditions Koukou ont dénoncé “un acte de censure”. Douze de ses titres, édités en Algérie depuis des années et en vente dans les librairies, sont interdits au Salon international du livre d’Alger (Sila). Dans leur communiqué, les éditions Koukou indiquent, en effet, qu’au “2e jour du Sila, des douaniers se sont présentés au stand de Koukou Éditions pour nous notifier - verbalement - l'interdiction d'une douzaine de livres, dont la plupart ont été publiés avant 2021, vendus en librairie depuis des années et exposés lors des précédents Sila”. Il a précisé que si le fonctionnaire a “accepté de nous montrer la liste officielle des ouvrages blacklistés par la Commission interministérielle de censure”, il a refusé de “nous en donner une copie au motif que cela ne relevait pas de ses prérogatives, mais qu'il allait transmettre notre requête aux autorités concernées”, ce qui constitue une violation de l’article 54 de la Constitution qui énonce que “l'activité (…) des publications ne peut être interdite qu'en vertu d'une décision de justice”.
Pour le directeur de Koukou Éditions, Arezki Aït-Larbi, cette décision “est cette brusque agression contre le livre et les libertés académiques” qui “n'obéit à aucune logique qui pourrait lui donner du sens à défaut de conformité aux lois de la République” et qui est motivée par “le bricolage idéologique”, puisque des livres “universellement controversés ont bénéficié d'une troublante tolérance : Mein Kampf d'Adolphe Hitler et les Mémoires de Mussolini d'un éditeur égyptien sont en vente libre depuis le Sila de 2016”. A contrario, le document rappelle que la Commission de censure “avait, lors du Sila de 2017, décidé d'interdire une biographie du révolutionnaire noir américain Malcolm X, au motif qu'il s'agirait d'un livre pour adultes libidineux !”.
Arezki Aït-Larbi ne s’arrête pas là. Il estime que “l'arbitraire se nourrit du silence de ses victimes” et que “le respect des lois de la République s'impose d'abord à ceux qui ont la charge de la faire respecter”. C’est pour cela que “nous refusons de nous soumettre aux injonctions illégales des censeurs clandestins, en embuscade permanente contre les libertés”. Il a accusé “(…) la lâcheté des bureaucrates, qui ont usurpé les prérogatives du magistrat en se défaussant sur les douaniers pour ne pas avoir à assumer les conséquences de leur forfaiture”. Parmi les livres censurés, plusieurs titres évoquent le Hirak. C’est le cas de Algérie, la seconde révolution de Sanhadja Akrouf et Patrick Fabiaz, avec en photo de couverture celle de l’héroïne de la révolution Djamila Bouhired, Algérie, la citoyenneté possible ? et Algérie, la dignité retrouvée du sociologue Mohamed Mebtoul.
Dans cette liste “noire”, figurent également les deux livres de l’intellectuelle tunisienne Hela Ouardi, à savoir Les derniers jours de Mohammed et Les Califes maudits. L’Affaire Khider de Tarik Khider, le fils du dirigeant du FLN assassiné en 1967 en Espagne, Dimoktatouriya de l’avocat Mokrane Aït-Larbi et Avril 1980 d’Arezki Aït-Larbi figurent parmi les ouvrages interdits par la Commission interministérielle. Pourtant, ce sont des ouvrages qui sont en vente depuis de longues années. La publication de certains de ces livres remonte à plus de 10 ans.
Ali Boukhlef