L’autrice nous plonge dans une sorte de monde parallèle dans une capitale, qui se veut un univers méconnu et peu abordé dans la littérature algérienne. Et cet univers n’est autre que le milieu très sélect de la jeunesse dorée algéroise.
Paru en février chez les éditions Barzakh, Minuit à Alger est le premier roman publié par Nihed El-Alia. L’autrice, qui se “cache” derrière un pseudonyme, explique : “Dans ma quête adolescente d’anonymat, j’ai commencé, d’abord comme un jeu, à utiliser le prénom Nihed – banal, pas spécialement beau à mon goût – en guise de camouflage, de doublure.” Selon l’autrice, Nihed était plus “courageuse” et “pouvait dire les choses”. Quant à El-Alia, elle est celle qui, “anonyme, aspire à l’élévation. C’est elle, c’est moi”. Pour revenir à cette œuvre, cette autrice nous plonge dans une sorte de monde parallèle dans une capitale, qui se veut un univers méconnu et peu abordé dans la littérature algérienne. Et cet univers n’est autre que le milieu très fermé de la jeunesse dorée algéroise. Pour raconter cette frange de la société, devenue fantasmatique pour beaucoup de citoyens, c’est la mystérieuse S. qui nous introduit dans ce cercle fermé où les soirées dans lesquelles la drogue, le sexe et l’alcool sont l’essence de ces jetsetteurs. Ces derniers, qui ne connaissent pas la crise économique, semblent complètement déconnectés de leur société. “Dans mon milieu – qu’on dit huppé –, les ‘fils et filles de’ se sentent liés par un lien invisible, parce qu’ils font partie d’une minorité à qui les parents, le système et même l’État ne refusent rien” (p. 11), raconte la narratrice. Nous sommes au début des années 2000. De retour de Londres, S. assiste à un mariage où elle fait la connaissance de M. Une rencontre qui la hantera et la fera brûler de désir… Ainsi commence le récit de la protagoniste qui, au fil des pages, nous embarquera dans ses méandres ; entre beuverie, cocaïne et amitiés hypocrites… Consciente de cet environnement toxique, S. est blasée mais continue de le fréquenter. Car elle est dans l’autodestruction. Malgré son comportement parfois arrogant et exécrable, c’est une fille “pure” qui traverse un malaise existentiel, et l’autodestruction est devenue un besoin viscéral pour se “retrouver”… Outre le volet “Alger by night” mis en lumière par Nihed El-Alia, Minuit à Alger démontre cette facette cachée de cette catégorie de la société, qui elle-même est constituée de plusieurs sous-catégories : les “baggar” (nouveaux riches), les intellos – progéniture de grandes personnalités – ou encore les enfants de hauts responsables. C’est aussi une “déclaration d’amour” à son pays que l’on “pleure sa privation une fois exilé...”. Cette fiction palpitante et audacieuse est absolument à lire et à consommer sans modération.
H. M.