Voilà qui confirme que les “malentendus” sont loin d’être levés : au lendemain de ses “regrets” exprimés par la voix de son conseiller sur les “polémiques” provoquées par ses propos, le président Emmanuel Macron ne semble pas avoir réussi son pari, du moins dans l’immédiat, de renouer les fils du dialogue avec Alger, et encore moins de désamorcer la crise diplomatique ouverte entre les deux capitales.
Invité à participer à la conférence internationale sur la Libye qui se tient demain à Paris, Abdelmadjid Tebboune a décliné diplomatiquement l’invitation, comme l’a confirmé le chef de la diplomatie algérienne, Ramtane Lamamra. Motif invoqué : les conditions “ne sont pas réunies” et “ne sont pas suffisantes”.
On l’aura compris : le format choisi par Paris pour faire “amende honorable” et tenter de calmer la tempête n’est visiblement pas à la hauteur des attentes des dirigeants algériens. Samedi dernier, dans l’entretien accordé à l’hebdomadaire Der Spiegel, Abdelmadjid Tebboune avait prévenu qu’il ne sera pas “celui qui fera le premier pas” pour tenter d’apaiser les tensions avec son homologue français.
En guise de réponse, l’Élysée a choisi un canal pour le moins ordinaire, un brief de presse où la question de la participation algérienne à la conférence de demain a été évoquée. “Le président de la République regrette les polémiques et les malentendus engendrés par les propos rapportés” et “il est fortement attaché au développement de la relation” entre la France et l'Algérie, a affirmé le conseiller de Macron.
“Le président Macron a le plus grand respect pour la nation algérienne, pour son histoire et pour la souveraineté de l'Algérie”, a-t-il ajouté, souhaitant que la relation bilatérale se développe “au bénéfice des populations algérienne et française, mais également pour répondre aux grands défis régionaux, à commencer par la Libye”.
Le conseiller de l’Élysée, dont le pays cherche probablement la caution d’Alger pour son approche du règlement de la question libyenne, entendait ainsi clore, ou pour le moins tempérer, la polémique née des propos de Macron sur la nature du système politique algérien et le passé de la nation algérienne.
Un coup raté donc. Mais au-delà du format qui ne serait pas du goût d’Alger, cela témoigne aussi de la profondeur des “malentendus” et des contentieux qui divise les deux pays.
Outre le contentieux mémoriel, toujours à vif, il y a aussi les chamboulements géopolitiques qui s’opèrent dans la région de l’Afrique du Nord et du Sahel et dans lesquels, les deux capitales ne semblent pas être sur la même longueur d’onde. À cela s’ajoute la vision que se fait Macron du système algérien et qu’on ne semble pas digérer de ce côté-ci de la Méditerranée.
En déclinant l’invitation, Abdelmadjid Tebboune confirme que la crise diplomatique entre Alger et Paris ne se réglera pas de sitôt et ne retrouvera pas son cours normal à court terme. Une attitude édifiante sur le grand malaise et qui tranche singulièrement avec l’enthousiasme affiché par Tebboune lorsque l’invitation lui a été formulée en mars 2020 pour se rendre à Paris.
Karim KEBIR