Chroniques

Un grain de folie !

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Amin ZAOUI Publié 09 Mars 2022 à 21:04

Dans toute création artistique, la part légitime de la folie est à défendre. Sa place et sa souveraineté sont à reconnaître. Toute création digne de ce nom, non traversée par des moments de folie, est une création glaciale, mort-née. La folie est l’énergie de toute création. La folie est la parole de l’inconscient dans les mots, dans les couleurs et dans les notes de musique.   
La folie n’est pas l’opposé de la raison. Elle n’est pas, non plus, la trahison ou la falsification de la réalité. La réalité est plurielle. Elle est le miroir d’une réalité parmi d’autres. Une vision unique sur la réalité silencieuse, intérieure et extérieure. La folie est une partie intégrante de la raison artistique. On ne mesure pas la force de la raison à l’aune de la fragilité de la folie. La folie est la mesure raisonnable de la raison dans l’art et dans la littérature. 
Dans un sens ou dans un autre, tous les artistes sont fous. Ils vivent avec un grain de folie qui se manifeste sous forme de moments libérateurs de la raison et de sa rigidité. La présence de la folie dans la création n’est pas une maladie ou un déséquilibre, mais plutôt une manière de s’approprier la vie dans sa complexité. La folie est l’autre face de la raison artistique. Sans cette âme, sans cette flamme de la folie, la raison devient un acte suicidaire. Dans toute raison artistique existe une part de folie. La folie est la matrice de la raison artistique lumineuse.   Le rêve, qui est l’essence même de la création, est le frère jumeau de la folie. 
Dans toutes les religions existent des choses qui ne peuvent être acceptées ou expliquées que par la part de folie qui nous habite ou plutôt que nous habitons. Dans la création artistique ou littéraire, la raison est libérée par la folie. La raison est bornée parce qu’elle court derrière la réalité absolue et la folie est absolue parce qu’elle court derrière la liberté absolue. La religion, n’importe quelle religion, n’échappe pas à la folie. 
Au début de la révélation islamique, le Prophète lui-même a été accusé de folie. Puis accusé d’être poète. Cela montre ce parallélisme entre la poésie et la folie. Entre le fou et le poète. Entre la création et la folie, entre la Révélation et la folie. Les questions profondes relèvent de l’inexplicable. L’inexplicable est lié à l’effet folie. On qualifie le génie de fou !   
Les anciens Arabes disaient que chaque poète est habité par le Satan de la poésie. Cela signifie que ses paroles, sa poésie relèvent de la folie ou de l’irrationnel. De l’incompréhension. Dans la narration historico-mythique existe un oued qui s’appelle Oued-Abkar, une rivière du génie, (lire Azzawabiê wa attawabiê d’Ibn Chouhayd) où habitent les diables (Satans) et les diablesses (Satannes) des poètes.
Même le philosophe qui est dans le cœur de la raison est accusé de folie. L’expression “rah yatfalçaf”, il philosophe, signifie : il dit n’importe quoi, des choses qui sont liées à la folie, à l’irréel ou à la mystification.  
Les artistes sont très à l’aise dans cette accusation de folie parce qu’elle leur permet d’esquiver la censure et le censeur. Si la folie est collée à la création artistique, à la Révélation et à la philosophie, cela explique que notre vie individuelle et collective, intellectuelle et spirituelle est basée sur l’incompréhensible, l’insondable et l’obscur. 
 

Par Amin ZAOUI

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