Culture Rencontre avec Anouar Benmalek au SILA

“La souffrance des victimes du terrorisme n’a pas été assez évoquée”

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Hana MENASRIA Publié 27 Mars 2022 à 09:31

© D.R
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À l’occasion de la parution en Algérie de son dernier roman L’amour au temps des scélérats (éditions Casbah), Anouar Benmalek était l’invité à rencontrer son public, au stand de l’Institut français d’Algérie. Une heure durant, l’écrivain s’est prêté au jeu des questions-réponses avec spontanéité, humour et bienveillance.

L’espace de l’Institut français d’Algérie était plein à craquer, vendredi, au Salon international du livre d’Alger. Si certains ont pu s’installer confortablement, d’autres visiteurs sont tout de même restés debout pour ne rater aucune miette de la rencontre. Et l’invité ayant attiré autant de monde n’est autre que l’écrivain Anouar Benmalek, qui a fait le déplacement à Alger, pour présenter son dernier roman L’amour au temps des scélérats (éditions Casbah). C’est l’histoire d’amour dans un des lieux les plus outragés de la planète par l’intolérance religieuse, la guerre perpétuelle, la tyrannie meurtrière : le Proche-Orient, peut-on lire dans la 4e couverture.

Tout commence quand se présente, à la frontière entre la Turquie et la Syrie, un étrange candidat au jihad, Français et converti, du nom de Tammouz. Qui est-il, cet avatar du diable, aimé des chats et fâché avec son patron? Parti à la recherche de la femme qu’il a follement aimée, il rencontre sur sa route Zayélé, adepte d’une vieille religion minoritaire, mais aussi Adams, pilote de drone, engagé avec le Kurde Ferhad dans les forces démocratiques syriennes qui se battent contre Daech (…). “Des personnages aussi attachants que surprenants, qui devront choisir entre conscience et survie au cours de leur existence.”

Si la trame se déroule en Syrie et les personnages sont Syriens, l’écrivain a tenu à préciser sur ce point, que ce roman n’est pas seulement une histoire sur la Syrie. “C’est une histoire qui nous concerne tous. Elle a lieu dans un espace qui mythologiquement nous appartient à tous”, explique-t-il à l’assistance. Et de poursuivre : “Dans le sens que, le monothéisme est né là-bas. Nous avons une attache avec cette histoire.” Selon l’auteur du Rapt, l’évocation des Syriens dans sa dernière œuvre, peut faire référence aussi aux Algériens et à n’importe quel être humain. “Dans les années 1990, nous avons connu cette barbarie et nous n’avons pas assez parlé : parler de la souffrance des gens comme vous et moi”, regrette-t-il. “À mon avis, ces gens qui ont été sauvagement assassinés, on ne leur a pas rendu suffisamment de reconnaissance”, insiste Anouar Benmalek.

Pour appuyer ses propos, il a cité pour exemple, les institutrices égorgées et dont “aucune institution ne porte le nom aujourd’hui”. “Nous ne savons pas comment rendre honneur à ces personnes, qui se sont battues pour que l’Algérie continue à vivre ! J’insiste pour qu’on écrive sur ce genre d’histoire et c’est cela le travail de romancier ; de dire à ces victimes et leurs familles que nous les aimons.” Et de marteler : “Ce ne sont pas seulement des statistiques, mais des êtres humains. Quand j’évoque la Syrie, je parle aussi de l’Algérie et de tout ce que nous avons vécu durant cette période.” Concernant le titre de son roman L’amour au temps des scélérats, Anouar Benmalek a indiqué que pour lui, le mot qui traduirait scélérat en algérien c’est “chmata” ; qui insinue une “personne sans honneur qui ne respecte pas autrui ou alors c’est aussi ayant assassiné des enfants…”.

Questionné sur son écriture, M. Benmalek a spontanément répondu : “Je n’écris pas pour gagner ma vie, je ne suis pas obligé d’écrire des romans ! J’écris des romans, qui autant pour moi, valent la peine de perdre des années à les écrire.” À cet effet, le conférencier a raconté que pour son roman Le fils de ”, il voulait “parler” de la Shoah, mais en commençant à étudier la question, “je me suis rendu compte qu’au début du siècle dernier, il y a eu un génocide ; celui des héréro d’Afrique, et ce, par l’occupation allemande”.

Et de s’insurger : “Nous, en tant qu’Africains, nous l’ignorions totalement ! Alors, je me suis senti obligé de parler de ce génocide. Je raconte ces histoires par le biais de personnages qui ne sont pas des héros, mais des gens ordinaires.” Anouar Benmalek s’est prêté tout au long de cette rencontre au jeu des questions-réponses avec spontanéité, humour et bienveillance, et ce, en apportant des conseils sur l’importance de la persévérance et la détermination pour l’aboutissement d’un projet, comme voir un premier manuscrit publié. À noter que cette 25e édition du Salon international du livre d’Alger se poursuit jusqu’au 1er avril à la Safex.


Hana M.

 


L’amour au temps des scélérats, d’Anouar Benmalek, Casbah éditions, 248 pages, 2022, 1200 DA.
 

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