Tom Herring se souviendra toujours du 2 avril 1982 : l'Argentine envahit les Malouines, marquant le début d'une guerre-éclair et la mobilisation de l'armée britannique pour récupérer cet archipel du bout du monde. Quarante ans après, si pour l'Argentine, la guerre des Malouines est vécue comme une blessure encore à vif, elle est présentée côté britannique comme une "libération" ayant permis d'offrir la prospérité à ce territoire de l'Atlantique Sud, situé à 400 kilomètres des côtes argentines et à presque 13 000 km de Londres.
À l'époque, Tom Herring était un sergent de 31 ans, en repos pour le week-end. "Quatre jours plus tard, nous embarquions sur un navire à Southampton", sur la côte sud de l'Angleterre, se souvient-il. "C'est notre boulot, dans une urgence, de protéger nos citoyens", explique à l'AFP celui qui préside une association d'anciens combattants, en marge de l'inauguration d'une exposition pour les 40 ans du conflit, au musée de l'armée à Londres. Ses souvenirs restent vifs. Comme la certitude que les Malouines (Falklands en anglais), sous contrôle du Royaume-Uni depuis 1833 mais toujours revendiquées par l'Argentine aujourd'hui, sont bel et bien britanniques.
La guerre éclair qui a opposé les deux pays pendant 74 jours en 1982 a fait quelque 900 morts : 649 soldats argentins, 255 britanniques et 3 habitants de l'île.
Rien n'est prévu au Royaume-Uni ou dans les Malouines pour se rappeler l'invasion – difficile pour les habitants de ces îles d'y voir un motif de célébration –, mais une série d'événements sont organisés tout au long de l'année, notamment le 14 juin. Ce jour, où les forces argentines se sont rendues, est férié et célébré comme le "jour de la libération" dans l'archipel.
Relations amicales
En 1982, avant la guerre, les Malouines étaient méconnues des Britanniques. À l'époque, nombreux étaient ceux qui pensaient que ces îles se trouvaient en Écosse. Mais la décision de la Première ministre Margaret Thatcher, à l'origine de réformes économiques très impopulaires sur fond de lourd chômage, de déployer près de 30 000 militaires, avait inscrit l'archipel de 770 îles dans la conscience collective.
Les troupes victorieuses avaient été accueillies à leur retour au Royaume-Uni par une marée d'Union Jacks, le drapeau national, ravivant le passé impérial du pays et permettant à la dirigeante conservatrice, peu auparavant en difficulté, d'être réélue haut la main en 1983. Quarante ans après, toutefois, l'association d'aide aux vétérans Help for Heroes a prévenu que le conflit risquait de devenir une "guerre oubliée", surtout chez les jeunes. Pas pour Tom Herring.
Lors d'un voyage aux Malouines en 2012, le sous-officier s'est lié avec un officier argentin avec qui il est toujours en contact.
"Il pense toujours que les îles font partie de son pays, nous pensons qu'elles sont britanniques", explique-t-il, racontant que plutôt que de se déchirer sur le sujet, ils parlent de "l'esprit de corps" des militaires. "Il y a des relations amicales", poursuit le septuagénaire. "Ce sont les gouvernements qui sont en conflit."
Prospérité
Les 3 200 habitants sont aussi passés à autre chose. La plupart habitent la capitale, Port Stanley, et avec un âge moyen de 38 ans, beaucoup n'étaient même pas nés au début du conflit.
En 2013, les électeurs de l'archipel s'étaient prononcés à la quasi-unanimité par référendum en faveur de la souveraineté britannique. Et les autorités locales mettent en avant la prospérité que connaissent aujourd'hui les Malouines : avec une économie reposant sur la pêche et le tourisme, elles sont financièrement autosuffisantes et abritent une grande biodiversité ainsi qu'une importante activité de recherche scientifique, ne dépendant du Royaume-Uni que pour leur défense.
Depuis 2020, l'archipel est totalement débarrassé des mines antipersonnel qui avaient été placées durant la guerre.
"Nous voyons l'important chemin parcouru en 40 ans", souligne Leona Roberts, membre de l'assemblée législative locale, de passage à Londres à l'occasion de l'anniversaire. "Nous avons construit le pays à partir de rien", le conflit "nous a permis de passer à autre chose" même si le prix à payer était "terrible".
AFP