Le report de la présidentielle du 24 décembre 2021 a entraîné la Libye dans une nouvelle impasse politique, se retrouvant de nouveau avec deux gouvernements parallèles.
La confrontation politique opposant depuis jeudi dernier le Premier ministre du gouvernement d’union nationale de Abdelhamid Dbeibah à Fethi Bachagha, élu par le Parlement de Tobrouk pour lui succéder, risque de tourner à l’affrontement armé, qui ne fera qu’accentuer la grave crise que vit la Libye depuis une décennie. Et pour cause, les nombreux groupes armés qui pullulent en Libye commencent à manifester leur soutien à l’une des deux parties, affichant leur volonté d’en découdre à coups de fusils et de canons, si besoin est, lit-on dans les communiqués et les vidéos diffusés ces trois derniers jours sur les réseaux sociaux. Mais le positionnement le plus important émane de la puissante ville de Misrata, d’où est issu M. Bachagha. Connue pour son important poids politique, économique et même militaire, la région de Misrata joue un rôle d’équilibriste entre l’Est et l’Ouest libyens dans ce conflit.
Et cette fois-ci encore, elle se positionne en faveur d’un gouvernement d’union nationale et au moins 57 groupes armés de cette région ont signé un communiqué commun de soutien à M. Dbeibah, prenant tout le monde de court en refusant d’apporter leur caution à une initiative impliquant le controversé général à la retraite Khalifa Haftar. Ce dernier avait eu de nombreuses rencontres avec Fethi Bachagha à Benghazi, en présence du président du Parlement exilé à Toubrok, Aguila Salah, et ont fini par sceller une nouvelle alliance qui a abouti jeudi à l’élection contestée de l’ancien ministre de l’Intérieur au sein du défunt gouvernement de transition de Fayez al-Serraj au poste de Premier ministre, en remplacement de M. Dbeibah qui refuse de céder sa place, au même titre que les membres de son exécutif.
Le Conseil des chefs de tribus de Misrata, ainsi que celui de la jeunesse de cette ville ont tranché en faveur de la poursuite de l’actuel Premier ministre de sa mission jusqu’à l’organisation des élections présidentielle et législatives pour lesquelles il a été mandaté par le Conseil d’État, sous l’égide de l’ONU. Parallèlement, l'émissaire de l'ONU, Stephanie Williams, a rencontré dimanche en Libye les deux dirigeants rivaux, les appelant à “préserver la stabilité”, sans prendre position.
“L'accent doit continuer à être mis sur la tenue d'élections nationales libres, justes et inclusives dans les plus brefs délais”, a-t-elle expliqué à M. Bachagha, insistant auprès de M. Dbeibah sur “l'importance pour tous les acteurs” de préserver la stabilité. De leur côté, quatre chefs d’État d’africains ont appelé à la tenue d’élections “inclusives” en Libye, lors d’un mini-sommet consacré à la paix et à la sécurité en Afrique. “Les quatre chefs d'État ont encouragé l'ensemble des acteurs impliqués dans le processus de transition et les forces politiques de ce pays à œuvrer pour des élections inclusives et consensuelles”, souligne le communiqué final, signé par les présidents de la République du Congo, Denis Sassou-Nguesso, de la République démocratique du Congo (RDC), Félix Tshisekedi, de l'Ouganda, Yoweri Museveni, et du Togo, Faure Gnassingbé.
Lyès Menacer