Malgré la féroce répression des services de sécurité qui recourent même à des tirs à balle réelle pour les disperser, les Soudanais n’abdiquent pas. Ils continuent d’investir la rue pour réclamer de la junte militaire de remettre le pouvoir aux civils.
Après la manifestation de la veille où un manifestant avait été tué, ils étaient des milliers à défiler, hier, dans les rues de Khartoum et des grandes villes du Soudan alors que les forces de sécurité ont tiré des gaz lacrymogènes pour les disperser et les obliger à rentrer chez eux.
Le pouvoir militaire a cependant consenti un geste d’apaisement en libérant des dizaines de détenus. Mais ce geste comme l’annonce, la semaine dernière, de la tenue de l’élection présidentielle l’année prochaine n’a pas eu l’effet attendu.
Les Soudanais, non convaincus, ont continué à manifester en scandant des slogans contre les militaires qu’ils invitent à “retourner dans leur caserne” et à vilipender le chef de la junte au pouvoir, le général Abdel Fattah El-Burhane.
À Kassala, à l'est de Khartoum, les jeunes manifestants ont scandé “non au pouvoir militaire” en se dirigeant vers une base militaire de la ville, ont indiqué des témoins.
Les forces de sécurité ont tiré des grenades lacrymogènes sur des manifestants à Khartoum et dans sa banlieue, ainsi qu'à Port-Soudan, ont rapporté des témoins à l'AFP.
Au même moment, l'émissaire de l'ONU pour les droits humains, le Sénégalais Adama Dieng, rencontrait à Khartoum dirigeants, diplomates et membres de la société civile pour tenter de faire la lumière sur la répression qui a fait 82 morts depuis le putsch, selon des médecins pro-démocratie.
Avant l'arrivée de cet expert, plusieurs détenus arrêtés lors des rafles dans les milieux anti-putsch s'étaient mis en grève de la faim pour dénoncer leurs conditions de détention.
Au deuxième jour de sa visite, “41 d'entre eux ont été libérés” hier, a indiqué l'avocate Enaam Attiq, alors que “plus de 200 personnes ont été incarcérées” depuis octobre, selon un collectif d'avocats anti-coup d'État.
Me Attiq a ajouté que d'autres organisateurs de défilés, manifestants ou politiciens détenus “seront déférés (...) en vue de leur libération” après avoir passé “parfois des semaines” sans aucune inculpation ni charge, selon le collectif d'avocats.
Pour ces derniers, “c'est une opération de camouflage qui vise à faire croire à l'émissaire de l'ONU que les geôles du régime sont vides”.
Lors de la manifestation anti-putsch de dimanche, un Soudanais a été tué, ont indiqué des médecins, au moment même où l'émissaire de l'ONU pour les droits humains entamait une visite dans le pays englué dans la violence depuis le coup d'État d'octobre.
Alors que des milliers de manifestants défilaient à Khartoum, un homme de 51 ans a été fauché par “une balle dans la poitrine”, rapporte un syndicat de médecins, qui recense 82 morts depuis le coup d'État du général Abdel
Fattah El-Burhane, le 25 octobre.
Il s'agit d'un patient qui “sortait d'une amputation” et cherchait à échapper au “gaz lacrymogène tiré dans l'hôpital” où il se trouvait. Avec cette nouvelle victime, la violente répression des manifestations porte le bilan des victimes à 82 morts et plusieurs centaines de blessés par balles.
D. B./Agences