Khelaf Fergani, septuagénaire, est poète, chanteur-compositeur, conteur et éditeur… d’expression amazighe. Il est originaire du village de Tawrirt, dans la commune de Bouzeguène. Poète de la “solitude et du silence”, comme il aime toujours se présenter, ses débuts remontent à l’année 1978, quand il commence à mettre en chansons ses poèmes puisés du fin fond de la vie sociétale kabyle.
Ses poèmes touchent à tous les sujets : la politique, l’amour, le racisme, l’émigration, la philosophie, la famille et de nombreux autres thèmes imbriqués les uns dans les autres… “La poésie me vient de mon intérieur, de ce que je ressens dans mes entrailles, de ce qui tenaille la société, enfin de la vie en général.
Indéniablement, mon identité, la culture berbère, ma langue, mes traditions dominent à outrance dans mon esprit, mais je suis aussi très influencé par la politique, l’histoire de notre révolution que j’ai vécue durement après avoir perdu mon père, tombé au champ d’honneur durant la guerre d’indépendance, laissant trois enfants âgés de moins de 8 ans et notre mère qui a dû souffrir pour nous élever.
Comme on dit en kabylie, ‘l’mahna tsrebi irgazen’, je fais partie de ces hommes et de ces femmes qui ont pris à bras-le-corps leurs soucis et leurs misère”, nous a confié Khelaf Fergani.
Il faut dire que les poèmes amazighes de Khelaf Fergani, rédigés en latin sont, certes, faciles à lire, mais parfois nécessitent des explications, notamment ceux comportant des insertions philosophiques. Sur ce sujet, Khelaf nous donnera des explications : “Beaucoup de mes poèmes, en effet, comportent des métaphores (tumnayt), des rimes plates (tudliqt), des rimes croisées (tamexlut) et des rimes embrassées (yerwin). Cette forme de présentation pousse le lecteur à se ‘creuser’ la tête et à se poser des questions.”
Dans sa démarche rédactionnelle, Khelaf Fergani use d’un style poignant et incisif, avec les expressions littéraires les plus appropriées. Il n’a jamais cessé, d’ailleurs, d’explorer son monde pour décrypter les mystères de ses composantes historiques, sociologiques, religieuses, etc. Au total, pas moins de 214 poèmes sont regroupés dans ce qu’il appelle Tibhirt n tmediazt, autrement dit le “verger poétique”.
Parmi ses poèmes, on relèvera quelques titres comme Akli dans le dossier Isefra n tsertit (poèmes politiques) publiés en 1978, L haq yetttnadi ghef l haq ; Laaruc, ijeggigen n wufal ; L muja n lebhar ; Zdeg rdegg ; Les maux et les mots, etc.
Outre la poésie et la gestion de son studio d’enregistrement Saad Éditions, Khelaf Fergani qui est également chanteur, a publié plusieurs cassettes en France chez SadaouiPhonie du célèbre artiste Sadaoui Salah, mais également aux éditions Atlas et Boussiphone.
Dans l’enregistrement de ses chansons, il est accompagné d’un orchestre professionnel formé d’éminents musiciens dont le violoniste Gacemi Mohamed (Tunisie) ; au oûd Djebaïli (Maroc) ; à la flûte Hocine Bettache ; aux percussions Rabah Khalfa. La plupart des titres regroupés et dénommés Génération 77 ont été republiés.
Le poète est par ailleurs l’auteur d’un projet d’émission radiophonique intitulé “Thagmats thamaynuts” (fraternité retrouvée), une émission qui lui a valu de nombreuses propositions de parrainage. Khelaf Fergani a été en outre l’hôte de nombreux plateaux de télévision et radio nationales.
Le Verger poétique de Khelaf Fergani a également suscité de l’intérêt du monde universitaire, puisque Mme Nassima Amirat, étudiante au département de langue et culture amazighes à l’université Mouloud-Mammeri, a choisi, en 2020, Le Verger poétique de Khelaf Fergani pour sa thèse de mastère en langue et culture amazighes. Un volumineux mémoire de 159 pages a été consacré à cet éminent poète sous la direction de Saïd Chemakh, Achili Fadila et Flici Kahina. Bon vent Khelaf.
KAMEL NATH OUKACI