Entretien réalisé par : Hadj Bahamma
Yazid Guerri, médecin de longue date, est au front de lutte contre la propagation du coronavirus qui enregistre un rebond de contaminations également dans la wilaya de Biskra. Lui-même touché par la pandémie, en soignant d’autres malades de la Covid-19, il recommande de se faire vacciner et surtout le respect des mesures de prévention.
Liberté : A Djemorah, où vous exercez votre mission, est connue pour être l’une des régions les plus touchées par la troisième vague de la pandémie. Avez-vous déjà traité des cas de Covid, sont-ils vraiment nombreux ?
Yazid Guerri : Oui, la région compte de très nombreuses personnes contaminées par le coronavirus, dont un nombre important de porteurs asymptomatiques, qui continuent de bafouer les règles de protection. J’ai examiné et suivi, avant que je ne tombe moi-même malade, plusieurs cas de Djemorah, mais aussi des localités limitrophes qui viennent pour auscultations.
Je n’ai pas de chiffres exacts, mais ils sont bien nombreux les malades atteints par le coronavirus, qui sont dans leur majorité soumis au confinement sanitaire à domicile, Je déplore toutefois la perte de certains d’entre eux, décédés à l’hôpital Hakim-Saadane du chef-lieu de la wilaya, lequel déborde de patients. Les gens, faut-il le dire, ne respectent toujours pas les mesures de prévention, et c’est ce qui explique ce rebond alarmant des contaminations. Les fêtes de mariage et les célébrations de funérailles, pour ne citer que ces deux exemples, continuent toujours, au vu et au su de tout le monde, et font encore de plus en plus de victimes. Djemorah, tout comme Sidi-Okba, Zeribet El Oued, et bien d’autres régions, est devenue un des plus importants foyers de propagation de la pandémie de coronavirus.
Pensez-vous que les responsables locaux aient pris les dispositions nécessaires pour faire face à la pandémie ?
Je ne peux vraiment pas parler en leur nom. Toutefois, en ma qualité de médecin, soucieux du mal dont souffre une bonne partie d’une population, pauvre et frappée de plein fouet par un virus mortifère, je vois, et c’est aussi ce que pensent les blouses blanches du secteur sanitaire au niveau local, que beaucoup de choses restent à faire en matière de santé. Pour illustration, le seul centre de santé implanté au niveau du chef-lieu de commune n’est pas en mesure de couvrir les besoins de plus de 15 000 habitants, surtout en cette période de pandémie. Les responsables locaux doivent penser à faire bénéficier cette population d’un hôpital digne de ce nom, à l’instar de ceux des régions avoisinantes. Il est vrai que la localité dispose d’un EPSP et d’une nouvelle unité de détection et de prise en charge des cas de Covid, mais ce n’est pas suffisant. Tout ce qu’ils font, c’est juste de simples consultations. Quant aux cas de coronavirus confirmés, ils les réorientent comme toujours vers Hakim-Saadane, l’hôpital dédié à la prise en charge des cas de Covid.
Pourquoi ne pas les prendre en charge ici, chez-nous ? C’est encore le manque de moyens humains et matériels qui se présente comme étant un inconvénient majeur face à une prise en charge conséquente.
Une grippe passagère et une contamination au coronavirus ont presque les mêmes signes cliniques. Sans avoir recours au teste antigénique, peut-on dire que je suis ‘’coroné’’, si je tousse, et que j’ai de la fièvre et de fortes courbatures ?
Le tableau clinique que vous évoquez est justement révélateur de contamination à la Covid. En tout cas, face aux symptômes évoqués, ce que je fais, c’est que j’examine le patient, je ne lui demande absolument rien, ni de test PCR, ni de radio thoracique. Chaque patient qui présente des signes s’apparentant à ceux du coronavirus, est, pour moi, contaminé, jusqu’à preuve du contraire. Dès que je découvre les moindres symptômes de cette maladie, je prescris, illico presto, le traitement médicamenteux approprié. Il est inutile pour moi de demander aux patients, déjà terrassés par la maladie, de subir des tests nasopharyngés. Dans ce genre de cas, il est strictement recommandé aux personnes atteintes de se confiner chez elles, et bien sûr, sans remettre en question le respect littéral des recommandations du médecin traitant, et des principes du protocole thérapeutique qui leur est destiné. Évidemment, sans oublier de s’alimenter sainement. Il faut rappeler dans ce contexte que le secret d’une santé saine réside toujours dans un régime alimentaire sain ! Je ne me rappelle pas, jusqu’à maintenant, avoir orienté un patient vers une structure de prise en charge des cas de Covid. Et tous les patients que j’ai traités en sont sortis sains et saufs. Il est aberrant, à mon sens, de fatiguer un patient avec des tests coûteux. Un test PCR ne coûte pas moins de 9 000 DA.
Imaginez combien doit payer un “ovidé” qui contamine au moins trois membres de sa famille. Un simple confinement sanitaire à domicile tout en appliquant à la lettre les prescriptions médicales, avec un protocole différent, des médicaments efficaces, des anticoagulants pour éviter la coagulation intravasculaire disséminée, le patient sera rétabli en l’espace d’une quinzaine de jours.
Pensez-vous que votre région puisse remporter sa bataille contre la pandémie de coronavirus ?
Espérons-le, mais cela est lié à la conduite à tenir de la part des gens. L’on a constaté un taux de guérison de tous les cas diagnostiqués à notre niveau, avec zéro cas de décès. Permettez-moi de vous dire que le coronavirus est une maladie virulente dont le virus responsable se propage très rapidement. Il y a des cas de Covid sans dyspnée et avec une saturation en oxygène suffisante, appelée “saturation heureuse”, où l’état du patient peut s’aggraver à n’importe quel moment. C’est une pathologie qui n’est pas facile, où, pour de multiples raisons, dont le tabagisme, la gente masculine demeure la plus touchée. Les personnes obèses, ou encore immunodéprimées restent malheureusement la cible facile de ce terrible virus.