Qu’est-ce qui a bien pu pousser l’Espagne à changer subitement sa position, observée depuis près d’un demi-siècle, concernant le conflit sahraoui en s’alignant désormais sur l’option défendue par les Marocains, à savoir l’autonomie au détriment du référendum d’autodétermination ?
Ce revirement inattendu, qui intervient dans un contexte international en plein chamboulement précipité par la crise ukrainienne, peut s’expliquer a priori par au moins deux considérations : la question migratoire et l’enlisement du conflit sahraoui où l’ONU, aujourd’hui plus que jamais discréditée, peine à imposer la solution de l’organisation d’un référendum d’autodétermination.
En soutenant la proposition marocaine, Madrid, probablement inspiré par Paris, soutien sans faille de Rabat, et encouragé par Washington depuis la décision du président Trump, entend ainsi normaliser ses relations avec un voisin avec lequel il était en bisbille particulièrement depuis le printemps de l’an passé lorsque Rabat avait vivement protesté contre le séjour de Brahim Ghali dans un hôpital espagnol et l’épisode du flux des migrants marocains sur les enclaves de Ceuta et Melilla.
En contrepartie d’un soutien au plan d’autonomie, Madrid attend donc un rôle plus accru de son voisin, une espèce de sous-traitance, dans la gestion des flux migratoires en provenance des pays du Sud. Il s’agit aussi pour elle d’“expédier” une question, pourtant de décolonisation, qui plombe et empoisonne la coopération et les échanges autant en Afrique du Nord que dans les rapports Nord-Sud. Reste que ce virage d’un pays moralement responsable dans une large mesure du problème sahraoui va ouvrir immanquablement un nouveau chapitre dans ses relations avec Alger, son principal fournisseur énergétique.
En rappelant son ambassadeur pour “consultations avec effet immédiat”, Alger laisse clairement transparaître sa colère d’autant qu’il s’agit là de la seconde offense après celle du mois de février lorsque Madrid avait annoncé avoir accepté de regazéifier en Espagne le GNL acheté par le Maroc et qui sera expédié à travers le GME fermé par l’Algérie.
Quand bien même Madrid assurerait avoir affaire à un “partenaire fiable”, il risque paradoxalement de mettre en péril l’approvisionnement en gaz de son pays à un moment de grande crise énergétique. Surtout si Alger décide de revoir sa copie. Aussi, il n’est pas dit que la question sahraouie connaîtra son épilogue après ce revirement aux relents d’une véritable roulette russe. ■