Le soixantième anniversaire des Accords d’Évian est une occasion pour se souvenir du parcours d’exception des combattants pour la libération, la souffrance d’un peuple soumis à un ordre colonial et ce qu’il représente comme abomination. Cette date rappelle également le triomphe d’une génération de militants indépendantistes en parvenant à vaincre l’impossible et à redonner à l’Algérie son droit à l’existence en la soustrayant de l’asservissement.
Cependant, et parce que l’histoire inspire l’avenir, la célébration des Accords d’Évian doit constituer une halte pour dresser le bilan de ce pourquoi les maquisards se sont sacrifiés. Ils sont morts pour libérer l’Algérie du joug colonial, mais aussi et surtout pour que les Algériens puissent vivre dans la dignité. Ils sont morts pour la liberté des héritiers. Un idéal qui plaçait la Révolution algérienne au rang des grandes conquêtes aux valeurs humanistes et universelles. Mais le choix du parti unique structurant l’ordre autoritaire pris au lendemain de l’indépendance allait annihiler cette espérance. Un coup dur contre ce qui faisait la grandeur du mouvement de libération et des pères fondateurs. Ces derniers étaient eux-mêmes les premiers à en payer le prix. Assassinés, emprisonnés et exilés. Des enfants de chouhada ont souffert le martyre, et les Algériens dont la majorité était gouvernée par la brutalité.
Cette politique a conduit le nationalisme dans une impasse intégrale. Elle a surtout donné naissance au monstre islamiste. Un enfant légitime qui a poursuivi avec d’autres moyens l’entreprise destructrice. Mais sans pour autant réussir à brûler l’étendard de la liberté. Dans le sang encore une fois, des Algériens et des Algériennes se sont dressés contre la barbarie intégriste. Les renoncements en redonnant aux bourreaux des Djaout, Liabes, Flici et Sanhadri, vécus comme une trahison, n’ont pas non plus désespéré les porteurs d’espoir démocratiques de continuer de “labourer la mer”. La génération de Février a joyeusement rendu à l’Algérie sa fierté. Elle a vigoureusement réaffirmé son attachement viscéral à la liberté sa plénitude. Elle en fait les frais. Persécution et emprisonnement. Il serait douloureux de célébrer le soixantième anniversaire de l’indépendance qui intervient dans trois mois, alors que de jeunes Algériens restent encore en prison pour leurs opinions. ■