Est-ce la fin de l’histoire ? Jamais. Depuis une semaine, le sort du journal Liberté agite les consciences, secoue le pays, fait réagir fortement les Algériens au-delà de leurs clivages. Signe d’un attachement viscéral à l’idée du journalisme et de ce qu’il incarne comme valeurs dans la vie d’une nation. La mort annoncée d’un quotidien qui a assumé, dans la douleur, le combat pour la sauvegarde de la République ne passe pas chez l’opinion publique. Comment peut-elle accepter l’effacement volontaire d’un nom qui porte la plus précieuse des valeurs de l’humanité : Liberté ! Incompréhensible. Tout ça pour ça !
Pourquoi avoir livré des batailles sanglantes contre la mort programmée d’une société, d’un État ? Pourquoi avoir bravé les balles assassines d’un terrorisme aveugle pour, au final, abandonner au moment même où la République a le plus besoin de consolider son socle démocratique ? De ces combats, la grande famille algérienne qui avance ne regrette absolument rien. Elle en tire sa fierté et sa raison de continuer d’exister. Elle continue d’espérer et Liberté doit demeurer, car il est un de ces espaces qui portent l’espérance.
Disparaître c’est élargir le champ de la réaction. Au-delà des colères qu’il peut provoquer, à tort ou à raison, un journal est avant tout un élément constitutif d’un pays, un espace vital pour une société. Son existence ne peut être otage d’un calcul tactique immédiat que l’on peut sacrifier sur l’autel d’une conjoncture.
Un journal fait partie des autres institutions qui font vivre un pays, un état. Il est aussi un instrument qui assure la pérennité d’une nation. De sa disparition, il n’y aurait que des perdants. L’Algérie en premier lieu, elle qui ne cesse de résister sans avoir le temps d’avancer. Elle perd d’immenses énergies en recommençant inlassablement son histoire souvent dans l’échec, alors qu’elle devrait accumuler pour mieux transmettre. Elle ne peut se construire en démolissant. Soixante ans après son indépendance que nous célébrons dans trois mois, le pays pour lequel les meilleurs de ses enfants sont morts doit définitivement rompre avec ses démons. Il doit laisser place, toute la place à la vie. à l’avenir qui ne peut s’écrire sans la liberté, sans Liberté. ■