“Celui qui n’est pas content n’a qu’à changer de pays.” Cette agression commise par Sid Ali Khaldi, alors qu’il était ministre de la République, en pleine campagne pour la révision de la Constitution, révélait le rapport méprisant qu’ont certains dirigeants - arrivistes - à l’égard de la société. C’est cette pensée putride qui a créé et structuré, depuis toujours, un exode trans-social des Algériens vers des terres clémentes. Il ne faut pas s’étonner alors aujourd’hui du départ de 1 200 médecins vers la France. Mais l’indignation qu’il a suscitée dans l’opinion publique doit interpeller au plus haut point… au plus haut niveau. Il n’est pas normal que les autorités politiques du pays restent indifférentes à cette saignée. Elles auraient dû agir, il y a longtemps. Enfermés dans un insupportable déni, les gouvernements successifs faisaient la sourde oreille aux multiples cris de détresse d’une jeunesse prise dans un mal-être chronique.
Ce refus de voir et d’admettre ce phénomène alarmant et ce qu’il fait peser à la collectivité nationale au triple plan politique, économique et moral, c’est contribuer à son aggravation. Il ne faut pas avoir de l’audace pour affronter cette problématique qui est la conséquence d’une longue mal-gouvernance du pays. Il faut, en revanche, avoir de la lucidité pour la prendre au sérieux, pour mieux engager ensuite la réflexion puis l’action, pour qu’enfin l’on puisse recréer les conditions de standardisation. En associant les acteurs de la société civile et la communauté scientifique, l’Exécutif doit inscrire - loin de toute démagogie ou autre populisme - cette question au chapitre de ses premières préoccupations.
C’est une urgence nationale qui doit mobiliser l’ensemble de la société, l’État en premier chef, en convoquant les états-généraux de la jeunesse. Mais par-dessus tout, sans le préalable de liberté, rien ne peut retenir médecins, étudiants, chômeurs, garçons, filles, ruraux ou citadins. Ceux qui restent ne le font pas par gaîté de cœur. Ils attendent leur tour. Mise en coupe réglée, la jeunesse algérienne est soumise à un régime social d’oppression où l’interdit fait loi. Ces vérités doivent être dites et mises sur la table du débat national sans crainte. Il y va de l’avenir d’un pays longtemps malmené et mal géré. C’est le point de départ de toute solution. ■