Symbole exécrable de fermeture, de séparation et d’isolement, le mur est l’expression parfaite de la pensée d’enfermement. Une prison. Il l’est encore plus lorsqu’il est érigé face à la mer, elle, synonyme d’ouverture et de larges horizons. Les tonnes de béton posées comme barrière le long de la côte oranaise pour “lutter contre la migration clandestine”, défigurant complètement de merveilleux paysages, renseignent tragiquement sur nos impasses politiques et intellectuelles. Cette absurdité procède cyniquement d’un “raisonnement” enclin à la violence - physique et symbolique - face aux phénomènes qui, naturellement, exigent intelligence et rationalité pour les résoudre.
Comment peut-on imaginer un instant que l’on puisse faire barrage à la migration clandestine en bétonnant les accès aux plages dans un pays avec une côte de 1 200 kilomètres ? Étrange ? Pas tant que cela. Il s’agit en fait de la confirmation de l’enracinement de la culture du mur, ennemie de la beauté des êtres et de la nature. Une sublimation de la laideur. La monstruosité portée à son paroxysme, mais surtout banalisée au point que cela n’indigne presque personne. Elle est entrée dans la normalité nationale. Le mur d’Oran n’est qu’une partie d’une longue muraille dressée contre les idées du progrès et de l’émancipation. Elle traverse les écoles, les universités, les mosquées, les administrations, les partis, les médias, les institutions. Elle sépare les hommes des femmes pour mieux oppresser, elle dresse l’autoritarisme face la démocratie et la soumission contre la liberté. Elle empêche de voir au-delà de l’immédiateté. Une muraille qui empêche l’Algérien de voir ailleurs, et l’autre de regarder l’Algérien. Telle une clôture dogmatique, elle a fini par sectariser la société et instaurer, un peu partout, des ghettos en tout genre.
C’est cette culture du mur dominante qui a isolé un aussi vaste pays comme le nôtre, en l’enfermant dans un sous-développement intégral. Un pays qui a grandement besoin d’ouverture permettant au cerveau algérien de se libérer de toutes les contraintes. Il en a assez des murs en béton, mais aussi et surtout des murs de l’interdit. Il faut les abattre.