Rarement l’exercice politique a connu une telle hostilité comme c’est le cas depuis quelque temps. Alors que l’extraordinaire insurrection citoyenne de Février 2019 devait donner une forte impulsion à la démocratie et à l’expression citoyenne libre, l’on assiste, par un étrange paradoxe, à un reflux inquiétant. La vie politique nationale est réduite à sa plus simple expression. Des chefs de parti et des leaders d’opinion ont drastiquement déminé leurs actions et interventions publiques, pendant que d’autres se sont tus. Les personnalités, appelées communément nationales, ne sont pas non plus bavardes.
Les questions d’intérêt national ne sont plus débattues sur la place publique. Les opinions sur les problématiques de l’heure - complexes et multiples - ne s’expriment que dans les espaces clos. Ce silence n’est certainement pas volontaire, encore moins le fait d’un choix politique délibéré. Il est révélateur d’une appréhension de plus en plus grandissante. Emprisonnement, régime de contrôle judiciaire et risque de dissolution intimident et contraignent les partis politiques - ceux de l’opposition démocratique tout particulièrement - à une vie restreinte. Ils vivent sous la menace d’une épée de Damoclès suspendue au-dessus de leur tête. Cette situation inédite a eu des conséquences paralysantes qui sont allées au-delà des partis eux-mêmes et de leurs militants pour déteindre outrageusement sur l’ensemble de la société. L’enthousiasme libérateur de la jeunesse de Février s’est mû en désespoir castrateur.
Il s’est alors créé, et petit à petit, un déficit politique qui, à son tour, a engendré inexorablement un vide vertigineux auquel s’adosse le pays. Ce n’est guère rassurant. Faut-il rappeler que la politique et son corollaire démocratique ont vocation à résoudre les contradictions qui traversent la société de manière paisible et pacifique. Ils structurent rationnellement la société dans des regroupements autour de projets et de visions du monde librement constitués. La politique donne sens et vie à un pays. L’éteindre, c’est créer les conditions d’une glaciation sociale. Faute de vie politique sérieuse, des sociétés et des nations ont connu des destins funestes…