Le chiffre donne le tournis : plus d’un millier de médecins algériens ont passé avec succès les épreuves de vérification des connaissances (EVC), première étape de la procédure d’autorisation d’exercice en France. Ils vont bientôt aller grossir les rangs de ces milliers d’autres établis dans l’ Hexagone depuis plusieurs années déjà. Fait curieux : à se fier à certaines informations des médias français, les Algériens constituent le gros du contingent des médecins qui postulent au départ parmi plusieurs dizaines de nationalités qui concourent à l’exercice du métier en France.
C’est dire tout le malaise qui couve au sein d’une corporation gagnée, comme d’autres corps, par le phénomène de l’exil. Faut-il s’en indigner, s’en plaindre ou s’en émouvoir ? Car il faut bien se rendre à la triste évidence de la réalité : il n’y a pas que les médecins qui larguent les amarres en quête de cieux plus cléments. Il y a aussi des étudiants, des psychiatres, des ingénieurs, des artistes, mais aussi des harraga, ces jeunes qui tentent la traversée au péril de leur vie, faute de visas. Quand bien même le phénomène de l’émigration serait ancien dans le pays — pour des raisons socio-historiques évidentes — il reste qu’il s’est amplifié ces dernières années n’épargnant pratiquement aucun corps. Atténué durant l’intermède du “Hirak” populaire, le phénomène semble s’être accentué depuis quelques mois même si, au niveau officiel tout comme chez les médias, on feint de l’ignorer.
Qu’est ce qui peut bien expliquer ce désir de départ qui gagne de plus en plus nos jeunes, surtout les plus diplômés ? Pourquoi peine-t-on à les retenir ? Si à l’évidence la quête d’une meilleure condition sociale — donc des raisons économiques — peut expliquer en partie le phénomène, il reste que de l’avis de tous, l’absence d’un environnement général, autant professionnel que social, pour l’épanouissement personnel, la crise morale et le problème de gouvernance qui touchent nombre de secteurs sont dans une large mesure les principales causes de l’hémorragie.
Plus globalement, il y a comme une espèce de mécanique, marqueur du système, qui, faute de nouveaux paradigmes, étouffe et empêche la réalisation de soi. Car ceux qui partent pensent aussi à l’avenir de leur progéniture. C’est dire que le phénomène ne s’estompera pas de sitôt s’il n’est pas appréhendé à l’aune de la qualité et de la profondeur des changements qu’on doit impérativement conférer au pays. ■