La pluie d’hommages qui a suivi hier l’annonce de son décès est emblématique de la dimension de l’homme : une figure universelle de la lutte contre les folies de l’injustice et pour les droits. L’archevêque Desmond Tutu, décédé hier, restera pour longtemps une figure majeure de la lutte contre l’apartheid. Homme à la conviction chevillée au corps, non avare en bons mots et réputé pour ses légendaires colères lorsqu’il s’agissait d’exprimer ses indignations et de dénoncer les dérives des dirigeants, Desmond Tutu restera la figure iconique de celui qui a consacré l’essentiel de sa vie au combat pour les droits de l’Homme et l’égalité raciale.
Ce n’est sans doute pas sans raison que tous les dirigeants du monde ont été unanimes à saluer un homme d’une exceptionnelle humanité et un phare moral sans égal. Mais de tous les combats qu’il a menés, c’est sans aucun doute celui pour la fin de l’apartheid et la réconciliation nationale dans son pays, éprouvé par des décennies de divisions, de haine et de racisme, qui confine au respect. Désigné à la tête de la commission de la vérité et de la réconciliation en 1995, Desmond Tutu va effectuer d’innombrables enquêtes et auditionner des milliers de personnes à l’effet d’aboutir à une valeur suprême : le pardon. Ce dossier constitue aujourd’hui la clé de voûte de la réconciliation dans son pays contribuant au décollage économique du pays et source d’inspiration à de nombreux pays en proie à des tumultes internes.
Hasard du calendrier, sa mort intervient le jour même du trentième anniversaire de l’arrêt du processus électoral en Algérie, une décision qui allait plonger le pays dans une violence inouïe. Si elle a permis la reddition de centaines de terroristes et contribué dans une large mesure au retour de la sécurité, la réconciliation à la “sauce nationale”, décidée unilatéralement par le pouvoir, n’a pas pour autant levé le voile sur les tenants et les aboutissants de la “tragédie”, — vocable fourre-tout mettant sur un pied d’égalité le bourreau et la victime —, qui a frappé le pays plus d’une décennie durant. C’est ce qui explique peut-être ces manifestations éparses au sein de la société, signe d’une mémoire refoulée, auxquelles on assiste depuis un certain temps. Faute de “vérité” et de “justice”, il demeure toujours laborieux d’aboutir à une cohésion dans une société meurtrie, divisée et confrontée à de multiples défis. L’Afrique du Nord doit s’inspirer de l’Afrique du Sud.