En 2020, on recense 55 assassinats commis froidement sur une proche : épouse, sœur ou, comble de l’horreur, sa propre mère. Ce sont les dernières statistiques recueillies par le Réseau Wassila. Soit quatre crimes par mois. L’année précédente, elles étaient 74 victimes ! Incroyable mais vrai. Ces dernières années, le phénomène a pris une telle ampleur que même les psychanalystes auraient du mal à expliquer comment l’Algérien a basculé de l’amour filial ancestral pour la famille à un comportement démoniaque.
Le patriarcat, encore pesant sur la société, considérée comme misogyne et droit naturel de prendre le dessus sur son épouse, sa sœur ou sur celle qui lui a donné la vie : sa mère. Du rôle de protecteur, il devient le seigneur, le gardien de l’”ordre social” édicté et décidé par le Code de la famille promulgué par les représentants du Parlement qui ont décidé de mettre sous tutorat la femme, quel que soit son niveau d’instruction et sa place dans la hiérarchie, dans la société. Le courant conservateur a réussi à mettre en cage, puis à prendre en otage la femme, quel que soient les liens de filiation.
Ce phénomène prend une autre dimension si on l’étend au nombre de cas de violences faites aux femmes. Il gagne du terrain, dans l’indifférence et la passivité des services de l’Etat à tous les niveaux, des gardiens de l’ordre et de la loi. La famille est aussi complice, voire coupable. Elle a une grande part de responsabilité en décrétant l’omerta pour protéger “l’honneur de la tribu”. Décriée par les siens, rejetée sans jugement par la société, elle n’a comme issue de secours que le silence pour supporter, dans son âme, la violence conjugale. Souvent en présence de ses enfants ou de sa famille.
Elle fait acte de soumission et de contrition, pensant à la fin du calvaire que ses proches minimisent en justifiant la colère de l’homme parce que c’est l’homme ! Un qualificatif peu glorifiant pour une société où la prédominance de la femme dans plusieurs secteurs, comme l’éducation et la médecine, entre autres, est affirmée. Alors ? La faute à qui ? A l’ordre social, d’une part, et à la loi scélérate du Code de la famille, votée à une époque qui n’est plus celle de l’Algérie nouvelle, d’autre part. .■