Le Pr Ali Daoudi plaide pour la création d’une agence de sécurité alimentaire autonome qui déterminera les véritables produits stratégiques et définira le modèle de consommation et la politique agricole en Algérie.
“Aujourd’hui, nous avons tout intérêt à nous doter d’une politique de sécurité alimentaire. Nous ne l’avons pas encore”. Le constat établi par l’agroéconomiste, le Pr Ali Daoudi est on ne peut plus clair, l’Algérie doit élaborer impérativement une véritable stratégie de sécurité alimentaire.
“Je déplore le fait que nous continuions à arrêter des plans d’action ne s’inscrivant pas dans une vision claire, qui définissent des objectifs précis et mettent les moyens nécessaires pour les réaliser”, regrette Ali Daoudi. L’expert évoque, dans ce sens, la nécessité de mettre en place des “instruments qui permettent de produire les éléments de la stabilité de l’approvisionnement du marché national et être attentif à ce qui se fait sur le marché mondial”.
Dans sa stratégie alimentaire, indique-t-il, l’Algérie doit avoir plusieurs leviers. Il citera l’impératif de renforcer la production nationale et de se doter de moyens de stockage importants. Plus explicite, le Pr Daoudi suggère que ces capacités de stockage dépassent les 6 mois tel que c’est le cas actuellement dans notre pays.
“Pour le blé, nous devons stocker au moins 80% de nos besoins afin de pouvoir assurer la sécurité alimentaire de notre pays dans un environnement de plus en plus incertain”, propose-t-il lors de son passage hier sur les ondes de la radio Chaîne 3. Car, argue-t-il, “à partir de 2015, les prix se sont stabilisés autour de 150 dollars la tonne de blé, alors qu’aujourd’hui, ils sont à 380, voire 400 dollars la tonne.
Cette hausse des prix a débuté en 2021, mais elle s’est accentuée et a connu une forte accélération à partir de février et mars de l’année en cours”. Le Pr Daoudi estime que “l’Algérie doit, de ce fait, se préparer à une année durant laquelle, l’offre en matières premières sur le marché international sera inférieure à la demande.
Ce qui accentuera davantage la flambée des prix de ces produits”. Le professeur à l’Institut national d’agronomie (INA) appelle à retenir deux leçons : “La fin définitive de la période d’abondance et celle des prix bas des produits agricoles sur le marché mondial.”
L’expert estime que la hausse qu’ont enregistrée les cours du pétrole à l’international va, toutefois, augmenter les capacités financières du pays et le mettra à l’abri de toute menace en termes d’approvisionnement, notamment en céréales. Ali Daoudi a évoqué aussi l’indispensable création d’une agence de sécurité alimentaire autonome qui déterminera les véritables produits stratégiques et définira le modèle de consommation et la politique agricole en Algérie.
Il appelle pour cela les pouvoirs publics à “augmenter le budget consacré au développement de l’agriculture et à l’utiliser de manière plus efficace, à travers une stratégie claire et des instruments évalués régulièrement dont l’élaboration doit impliquer les agriculteurs”.
Ainsi, associer les acteurs du monde agricole dans l’élaboration et la mise en œuvre de la stratégie de développement du secteur permettra de les intégrer dans la sphère formelle de l’économie et d’améliorer le rendement agricole, affirme l’agroéconomiste.
Cela étant, l’on ne pourra développer des stratégies agricoles efficaces si l’on ne dispose pas d’un appareil statistique efficient et fiable qui mettra à la disposition de tous les concepteurs de ces politiques agricoles les données chiffrées réelles du terrain, remarque le Pr Daoudi.
Interrogé sur l’opportunité de réformer la politique des subventions prônée par le gouvernement, l’invité de la radio avoue que c’est “inapproprié étant donné le contexte actuel marqué par une hausse importante des prix des produits alimentaires sur le marché national”.
D’où l’intérêt de se doter d’un instrument d’aide à la décision qui, selon lui, n’obéirait pas aux injonctions de court terme comme le fait un Exécutif. Ali Daoudi insiste également sur la structuration des filières agricoles tout en donnant la possibilité aux agriculteurs de s’auto-organiser.
B. K.