Après les producteurs de boissons, c’est au tour des exportateurs de fruits et légumes de subir les méfaits d’une telle mesure sur leurs activités.
L’interdiction d’exportation de produits importés (subventionnés) prise par les pouvoirs publics continue de faire des victimes parmi les exportateurs. Après les producteurs de boissons, c’est au tour des exportateurs de fruits et légumes de subir les méfaits d’une telle mesure sur leurs activités. C’est le cas de l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (Eurl) Siga Export, spécialisée dans l’exportation des fruits et légumes et de produits agroalimentaires vers le Canada. Cette société vit, selon son gérant, une situation difficile marquée par un manque à gagner flagrant en cette période de forte demande de la communauté nationale établie à l’étranger, à deux jours du début du mois de Ramadhan. Avec cette décision, l’on prive de ce fait les émigrés des produits purement algériens et leur fragrance à laquelle ils sont habitués, surtout pendant le mois sacré.
“La totalité des produits que nous exportons ne sont pas subventionnés. Cependant, ceux interdits à l’export ont été bien identifiés par le président de la République lors du Conseil des ministres. Il s’agit du sucre, de l’huile, des pâtes, de la semoule et de tous les dérivés du blé”, précise le patron de Siga Export. Mieux, argue-t-il, l’on n’enregistre pas localement, en ce moment, une grande consommation des produits exportés par cette entreprise. Il ne peut y avoir ainsi de pénurie, synonyme de flambée des prix sur le marché national, avance-t-il comme autre argument. “Les opérations d’exportation que nous réalisons n’ont aucun impact sur le pouvoir d’achat des Algériens”, explique le premier responsable de Siga Export.
En revanche, nuance-t-il, les conséquences sur la société sont perceptibles et lourdes. À cause de cette décision, elle va certainement perdre ses clients au Canada. “Notre crédibilité vis-à-vis de nos partenaires canadiens risque d’être entachée et entravée”, observe-t-il. L’autre méfait engendré par cette mesure a trait à la diminution des entrées en devises du pays puisque les activités de ces exportateurs sont interdites et leurs marchandises bloquées au niveau des ports et aéroports, ainsi qu’aux frontières. En privilégiant le transport aérien dans l’acte d’exporter, cet opérateur ainsi que ses confrères vont provoquer des pertes considérables sur le plan financier à la compagnie nationale Air Algérie.
Les émigrés privés de produits “made in bladi”
L’impact est d’autant plus négatif en termes de recettes pour la Compagnie nationale de navigation (Cnan), pour ceux qui choisissent le transport maritime. Pourtant, cette interdiction intervient au moment où ces deux entreprises publiques ont besoin de rééquilibrer leurs budgets, elles qui subissent toujours les retombées de la double crise économique et sanitaire, provoquée par la pandémie de Covid-19. Par ailleurs, le patron de Siga Export n’a pu envoyer, a-t-il affirmé, qu’un seul container de marchandises, alors qu’en cette période précise de l’année, il multipliait d’habitude le nombre d’opérations d’exportation vers le Canada. “Cette décision est incompréhensible et injustifiée”, a-t-il conclu.
Cela étant, le chef de l’État a eu à le rappeler dimanche, lors du dernier Conseil des ministres : “Il faut faire preuve de vigilance quant à la mise en œuvre rigoureuse des mesures d'interdiction d'exportation des produits alimentaires de base.” Abdelmadjid Tebboune a même chargé le ministre de la Justice d'élaborer un “projet de loi criminalisant l'exportation de produits non fabriqués localement, étant un acte de sabotage de l'économie nationale”. Même si les raisons qui ont motivé cette décision n’ont pas été clairement évoquées, il va sans dire que les plus hautes autorités du pays veulent protéger davantage le marché local en couvrant les besoins nationaux, afin d’éviter les pénuries de ces produits qui ont engendré, rappelons-le, des flambées ininterrompues de leurs prix ces derniers mois à travers tout le territoire.
Ce qui déconcerte les opérateurs économiques concernés par cette mesure, en revanche, c’est le caractère définitif et exécutoire qu’elle revêt. “Pourquoi l’on parle d’interdiction directe et non pas de suspension ?” s’est interrogé un exportateur. Cela risque de mettre en péril, faut-il le souligner, l’avenir de nombreuses sociétés qui activent dans le commerce extérieur, emploient des dizaines de personnes, créent de la richesse et font gagner au pays des montants non négligeables en devises.
B. K.