Les crédits aux ménages ne séduisent pas les banquiers de la place. Preuve en est que le niveau d’endettement des ménages algériens demeure très faible, selon une analyse faite par le cabinet Finabi Conseil. Il s’agit carrément d’un état de “défaillance du secteur bancaire algérien dans le financement des ménages”, conclut Finabi Conseil dans une étude comparative entre l'endettement bancaire moyen des salariés algériens et des salariés tunisiens.
Les crédits accordés aux ménages durant l’année 2020 n’ont évolué que de 4,15%. “L’encours des crédits à l’économie en Algérie enregistré en 2020 a été de 11 189 milliards de dinars, en progression de 3,05% par rapport à 2019, contre une évolution de 8,84% entre 2019 et 2018. Cette progression est enregistrée dans les financements de tous les agents économiques ; entreprises publiques (+2,57%), entreprises privées (+3,45%) et ménages (+4,15%). Parallèlement, les crédits accordés au secteur public représentent 51,68% du total des crédits contre 48,32% au secteur privé dont 8,20% aux ménages”, lit-on dans l’analyse de Finabi Conseil.
L'encours des crédits aux ménages en Algérie “représente donc en valeur 917 498 milliards de dinars”. Sur la base d’une statistique de la Banque mondiale selon laquelle il y aurait 12 102 616 de salariés dans la sphère formelle, Finabi Conseil conclut que le niveau d’endettement moyen par salarié serait de 75 809,89 DA, ce qui équivaut à seulement 470 euros. C’est infime, voire insignifiant comparativement aux crédits accordés aux ménages en Tunisie et au niveau d’endettement des salariés tunisiens. L’endettement global des particuliers tunisiens auprès des banques a totalisé, en revanche, 25 452 millions de dinars tunisiens en 2020, contre 24 053 millions l’année précédente, soit une progression de 5,8% contre 0,4% en 2019.
En dinars algériens, l'encours des crédits aux particuliers en Tunisie “a été de 1 252,11 milliards de dinars (cours de change au 31 décembre 2020, 1 DT= 49,19 DZD) représentant 26% de l'encours des crédits à l'économie”. “La population active, selon la même source, était de 4 115 538 salariés. En conséquence, l'endettement moyen du salarié tunisien valorisé en dinars algériens était en 2020 de 304 239,97 dinars, quatre fois le niveau d'endettement du salarié algérien.” Résultats : l'encours des crédits accordés aux particuliers représente 8,2% de l'encours global en Algérie et 26% en Tunisie, alors que la population active tunisienne est le tiers de la population active algérienne, estime Finabi Conseil.
Le cabinet souligne que le niveau d'endettement moyen des salariés tunisiens représente 9,66 fois le salaire moyen tunisien, alors qu’en Algérie, il représente à peine 1,81 fois le salaire moyen. En France, le ratio est de 44, conclut l’étude. Ses rédacteurs estiment que pour pouvoir canaliser la consommation des ménages vers les circuits financiers formels, il est, pour le moins, impératif que les banques investissent bien plus que dans la digitalisation des services bancaires, car cette action serait plutôt insuffisante. “Il faut améliorer ce ratio d'endettement des particuliers pour diriger la consommation des ménages vers des circuits financiers formels”, estiment les analystes de Finabi Conseil. “Le salarié laissera dans le circuit bancaire les échéances qu'il doit.
En outre, les crédits aux particuliers boosteront l'industrie de l’électroménager, l'industrie du bâtiment, l'éclosion des universités privés (économie du savoir) et le micro-crédit”, soutiennent les analystes. Simple simulation : “Si nous avions le même ratio d'endettement des salariés qu'en Tunisie, le secteur bancaire dégagerait 2 000 milliards de dinars pour financer les secteurs névralgiques décrits supra.” C’est pourquoi Finabi Conseil estime, dans son analyse, qu’il est indispensable que les banques innovent dans le financement des particuliers en privilégiant la finance islamique pour s'adosser aux valeurs sociétales des ménages algériens.
Ali Titouche