Le vice-Premier ministre libanais, Saadé Chami, a estimé, dimanche dernier, dans une mission de télévision diffusée sur la chaîne locale “Al-Jadeed”, que l’État et la Banque du Liban (BDL) sont “en faillite, qu’il n’y a pas de conflit d’opinions sur la répartition des pertes, et qu’elles (les pertes) seront redistribuées à l’État, à la Banque du Liban, aux banques et aux déposants”.
Cette déclaration surgit comme un coup de tonnerre dans un ciel nuageux. Elle risque d’exacerber une situation déjà problématique. Le Liban traverse depuis deux ans déjà une crise économique sans précédent, avec de graves répercussions sur le plan financier et monétaire.
Le pays n’a pas réussi à remédier aux déficiences du système financier et monétaire que la crise a mises au jour. Il s’est trouvé face à une politique économique totalement confuse, où sont présentées des initiatives isolées, mais il n’y a aucune approche stratégique en dehors du plan de sauvetage préparé en 2020 par l’ancien gouvernement d’Hassan Diab.
Ce plan avait, cependant, tourné court pour des raisons qui restent à clarifier. Pourtant, cette feuille de route avait suscité de l’espoir ; elle prévoyait une répartition des pertes, en incluant les gros déposants et actionnaires des banques. Ces dernières, refusant de mettre la main au portefeuille, avaient été en première ligne pour saborder l’initiative. Cet épisode a laissé place à une période où la population affichait (et affiche encore) un pessimisme croissant quant à l’évolution de la monnaie locale.
Cette dernière s’est fortement dépréciée, car la fluctuation de la valeur de la monnaie dépend de l’économie dans laquelle celle-ci est utilisée. Pour autant, la banque centrale du Liban n’a procédé à aucune intervention sur le marché de change pour la réajuster. L’a-t-il fait pour des raisons de politique monétaire ? La question reste posée.
Aussi, les Libanais font face aux fluctuations de la monnaie sur le marché noir et à une multiplicité des taux de change (ceux des retraits en banque, celui de la plate-forme de la Banque du Liban (banque centrale, BDL) et celui du marché noir). Cette situation permet un “haircut” (ponction sur les dépôts) implicite, et laisse les ficelles du jeu entre les mains de la BDL. Que faire dans pareil contexte ?
L’unification de ces taux est l’un des enjeux des discussions qui ont repris avec le Fonds monétaire international, en janvier dernier, en vue de contracter un prêt. Des pourparlers qui suscitent des inquiétudes sur le devenir des comptes des petits déposants, sur lesquels le “haircut” pourrait s’intensifier.
Dans une déclaration à la chaîne Al-Jadid, relayé par Al-Arabiya, Saadé Cham a souligné qu’“il y a une réalité qu’on ne peut ignorer, on ne peut vivre un état de déni, on ne peut ouvrir les retraits bancaires à tout le monde, je l’aurais souhaité, si on était dans une situation ordinaire”.
S’agissant, justement, des négociations avec le Fonds monétaire international (FMI), il a affirmé être en contact permanent avec lui. (…) “Cette grande mission arrive pour la première fois, nous avons enregistré une grande avancée en matière de négociations.”
Si un accord est trouvé, sa mise en œuvre est subordonnée à la mise en œuvre d’un plan de restructuration et de réorganisation de l’économie libanaise. Et le vice-Premier ministre libanais le sait. À ce sujet, il a déclaré : “Nous souhaitons parvenir à un accord dans ce round, ou un autre round.
Les négociations sont actuellement focalisées sur de nombreux sujets, la réforme et la restructuration du secteur bancaire, la politique financière équilibrée pour servir la dette publique, la réforme du secteur général de l’électricité, l’unification du taux de change, la politique monétaire et la lutte contre l’inflation….”
Youcef SALAMI