Un ciel désespérément bleu, des champs desséchés à perte de vue et, le long des routes, des animaux aux os saillants qui ont faim portent les stigmates de la sécheresse et font peine à voir.
La sécheresse, qui sévit depuis des mois déjà dans la wilaya de Bordj Bou-Arréridj, a mis à mal ces terres agricoles d’une excellente qualité exploitées par des investisseurs agricoles. Comme nous l’avons constaté, le sol de ces exploitations s’est transformé, en ces journées arides et chaudes, en poussière.
“Nos terres s’effritent et deviennent du sable”, alertent les paysans de la région. L’hiver n’est pas terminé que, dans son exploitation agricole à l’est de la wilaya au milieu de ce paysage de steppe aride, Nouari a déjà renoncé à sa récolte de blé. “Les tiges ont poussé de 5 à 10 cm puis ça s’est arrêté. Le champ est brûlé. C’est fichu pour cette année encore”, déplore-t-il.
Cet agriculteur octogénaire, qui a connu l’abondance sur cette terre, l’un des greniers de la région des Hauts-Plateaux, où l’on cultive céréales et légumes, dit d’avoir jamais vécu un hiver aussi sec. Il n’a quasiment pas plu. “Le pire, c’est pour les bêtes. Il n’y a pas d’herbe. Elles n’ont rien à manger”, s’inquiète-t-il.
Et d’ajouter : “Aujourd'hui l'alimentation du bétail pose problème. Pour les humains, nous nous débrouillons, mais pour le bétail c’est compliqué. Nous sommes confrontés depuis quelques années et surtout ces derniers mois, à une forte flambée des prix des compléments alimentaires, de l’orge, du son et du foin, devenus inaccessibles.
Les tarifs pratiqués sont inabordables. Un quintal de son de piètre qualité est cédé à plus de 5 000 DA.” “Même les prix du fourrage ont augmenté et beaucoup de paysans n’ont plus les moyens de nourrir leurs bêtes, alors ils les vendent, ou plutôt les bradent, car le bétail ne vaut plus rien”, dira Hafnaoui Thabeti, le SG de la wilaya de l’Union nationale des paysans Algériens (Unpa).
Sur l’autre rive de l’oued où seuls les rejets des eaux usées stagnent et asphyxient toute vie, la terre est sèche et une maigre végétation pousse au ras du sol.
Dans les champs de Slimane, la cinquantaine, les semences de céréales sont décimées, faute de pluie. “J'ai planté l’orge mais ça n'a pas poussé, c'est mort. Maintenant, je suis obligé de chercher du travail ailleurs”, explique-t-il.
En ce début d’année, la région des Bibans s’oriente vers une sécheresse exceptionnelle. “Sans doute la pire des dix dernières années”, alerte Da Akli, un des anciens habitants de la région nord de la wilaya. “La forêt n’est plus verte. Elle commence à changer de couleur et devient de plus en plus sèche”, ajoute-t-il.
“Les fruits comestibles (l'églantine, les baies de genévrier — oxycèdre et genévrier de Phénicie —, fruits du lentisque, les glands du chêne vert, l'arbouse, etc.), les grains des arbres de la forêt ne sont plus disponibles et nos récoltes n’arrivent plus à subvenir aux besoins locaux. Même, le bois est fragilisé par des vers et des maladies à cause du manque d’eau et trop de chaleur”, explique-t-il amèrement.
Les prévisions météorologiques des prochains mois ne sont pas bonnes. La situation ne devrait pas s’arranger dans les prochains jours. Hormis quelques passages “pluvieux épars ou des orages très localisés”, il ne faut pas s’attendre à “des pluies étendues et significatives”.
Il n’y a pas encore de plan d'urgence. Dans ce contexte, la campagne agricole 2022 est menacée. Les agriculteurs et éleveurs de la région réclament des mesures d’accompagnement d’urgence et surtout trouver des solutions pour sauver le secteur qui est de souveraineté nationale.
Chabane BOUARISSA