Les espaces de l’Institut du monde arabe (IMA) accueillent depuis ce 7 février 2022 l’exposition “Son œil dans ma main”, qui durera jusqu’au 17 juillet de cette année.
Un livre sous le même titre, Son œil dans ma main, est paru aux éditions Barzakh. Cette exposition rassemble des photographies de Raymond Depardon et des textes de Kamel Daoud. Le photographe a pris ses clichés en Algérie en 1961 et en 2019.
Il a été l’un des rares photographes à avoir accès à la délégation du FLN grâce à une accréditation du ministère de l’Information du GPRA datée du 21 mai 1961, avec précision de la mission : “Correspondant de l’Agence Delmas accrédité auprès de la délégation algérienne” qui menait les négociations d’Évian.
“En 1961, les photographes qui étaient avec moi étaient plus âgés ; il y avait une certaine réticence, ils avaient fait les barricades, avec le discours de de Gaulle à Alger, enfin tous les événements qui avaient traversé l’Algérie”, affirme-t-il, ajoutant : “Et puis, ils ne voulaient plus y aller car il y avait des difficultés à faire des photos, surtout à Alger. C’est pour cela que j’ai été amené à faire mes premières photos à Alger en 1961. J’avais eu beaucoup de difficultés, car la communauté européenne n’aimait pas se faire photographier ; la communauté algérienne aussi, parce que craignant que les photos servent à la police ou à l’armée pour les identifier.
Donc, personne ne voulait se faire photographier, même les autorités. La photo était mal venue.” Depardon se procura un téléobjectif soviétique qui lui permit de faire des photos de loin, à l’insu des autorités et des pieds-noirs. En automne 1961, Raymond Depardon réussit donc à obtenir une accréditation du GPRA qui lui a permis de couvrir la délégation algérienne aux négociations d’Évian.
“Prenez toutes les photos que vous voulez”, lui disaient les membres de la délégation qui l’impressionnaient par leur jeunesse et leur élégance. C’est ainsi que l’objectif du photographe fixa pour l’Histoire les visages des membres de la délégation algérienne qui allaient, au bout d’âpres discussions, concrétiser le rêve de générations d’Algériens qui ont mené une très longue résistance depuis l’arrivée des Français en 1830.
L’indépendance de l’Algérie était au bout des négociations et de la plume de Krim Belkacem, signataire des accords d’Évian pour le compte du GPRA. Les photographies de Raymond Depardon, dont certaines ont été prises à Alger et à Oran en 2019, sont accompagnées de textes de Kamel Daoud.
“Raymond Depardon photographie ce qu’il voit à la jonction de ce qu’il ne voit pas. Je regarde ce que je ne vois pas, en croyant savoir ce que cela signifie. Son œil dans ma main. Son corps est ma mémoire”, écrit l’auteur de Meursault, contre-enquête, avant d’ajouter : “Ce qui m’intéresse chez le photographe, c’est son corps, son errance, son voyage : je me glisse en lui, j’épouse ses mouvements, son regard, sa culture, ses préjugés, peut-être, mais aussi sa singularité (…)” Comme le dit Jack Lang, président de l’Institut du monde arabe, “avant d’être une exposition, “Son œil dans ma main” a d’abord été l’histoire d’une rencontre – entre le photographe et l’écrivain – et d’un beau livre porté par les éditions Barzakh à Alger.
C’est aussi l’un des temps forts, à l’IMA, d’une année de regards sur l’Algérie qui débute dès janvier 2022”. Des activités culturelles seront consacrées à l’Algérie durant cette année sous l’intitulé général “Algérie mon amour”.
Il s’agit principalement de l’exposition “Son œil dans ma main” et d’une autre sur les arts contemporains et modernes qui s’étalera du 15 mars au 11 juillet 2022. Elle sera suivie en septembre d’une exposition autour de l’œuvre du peintre algérien Abdallah Benanteur.
Des colloques et des débats en relation avec la colonisation et la guerre d’Algérie se tiendront également à l’IMA, en même temps que la projection de films et l’organisation de concerts avec des artistes algériens. Il faut rappeler enfin que les personnes intéressées par le livre Son œil dans ma main (Barzakh, 2022) peuvent le trouver dans les librairies en Algérie.
ALI BEDRICI