Nos valeurs sont ces indices de vie qui irriguent nos racines mais aussi la foi en nos convictions. Et au-delà de la ligne “rouge” de la dévotion qui enclave nos repères, il y a aussi nos opinions qui fluctuent au gré de nos choix de l’heure, qui peuvent être cruels ou essentiels. À ce sujet, et lorsqu’on a tout perdu, il nous reste nos valeurs qui réaffirment notre personnalité qui est rivée sur le socle de la confiance que nous avons en nous. Ainsi, y erre de sa spatule et de sa truelle d’archéologue l’écrivain Smaïl Yabrir dans les errements de nos valeurs qu’il révèle et analyse dans sa trame romanesque écrite en arabe et qu’il a intitulée El Âachiqine Makhdjouline (Les amoureux timides) aux éditions Hibr. Autant dire que l’auteur du livre Le Testament d’un sot, primé au Soudan, sonde les tréfonds de l’homme qu’il éveille de son sous-sol ensommeillé de l’ère préhistorique et jusqu’à son existence tonitruante supposée être celle de l’Homo sapiens ou celle dite fréquemment d’“homme moderne”.
Et en ce qui touche à l’homme, Smaïl Yabrir pose un regard critique sur la destinée peu enviable de l’homme, où le halo des ondes négatives et de la houle de fioritures garnit sa citadinité. Et au premier acte d’exploration, s’affiche le personnage Mahfoud, auquel le lauréat du prix Mohammed-Dib pour son œuvre Maoula El-Hayra l’accoutre d’une auréole d’un “anticonformiste” qui “fuit l’âpre réalité d’un quotidien pas tout le temps rose pour se réfugier dans l’exil volontaire qu’il s’est voué intentionnellement pour y vivre dans une bulle préhistorique irréelle, voire abstraite. Non qu’il s’agit d’une option choisie de gaîté de cœur, mais plutôt pour y fuir une existence où il ne fait plus bon vivre”, a déclaré l’auteur lors de la présentation de son ouvrage au stand Hibr. Alors et ayant eu vent de l’existence de cet ermite, Mahfoud a été dévoilé au grand jour par la journaliste Chemoussa, qui s’en est allée ainsi vers la “kheloua” (ermitage) de Mahfoud pour l’inviter à y prendre place dans sa lucarne magique.
C’est qu’il y tenait tant, son tyran de patron, histoire d’élever l’audimat de sa chaîne à l’aide de l’image de Mahfoud, affublée à tort d’une précarité psychique d’esprit. Et, de fil en aiguille, le reclus y trouve en Chemoussa une oreille attentive à laquelle ce solitaire s’ouvre pour y narrer ce qu’était sa vie avant qu’il ne s’isole. Et très vite la séduction s’opère entre Mahfoud et Chemoussa, qui s’apitoie sur l’adversité de la solitude dans laquelle vit son interlocuteur. D’où l’éclosion de l’amour qui a rapproché peu à peu les deux êtres. “En conclusion, nos ancêtres n’ont rien à envier à l’homme du XXIe siècle”, a conclu Smaïl Yabrir.
Reste qu’il brûle à l’auteur de lever le voile sur l’hypocrisie et l’égoïsme qui s’ensemencent dans l’âme de l’homme et exhortent le lecteur à être lui-même et à s’accepter dans sa disgrâce intérieure, si loin de la beauté qui n’est qu’illusion. Dans cette optique, l’art y est présent dans sa dimension réelle qui est esquissée depuis la nuit des temps, dans la fresque dite Les Amoureux timides, qu’il est loisible d’admirer au pays des Ouled Naïl, à Djelfa.
Louhal Nourreddine