Saïd Saad, l’auteur du livre qui témoigne de la rancœur qu’il y avait naguère dans Les Tranchées de l’imposture a été à l’œuvre samedi dernier à la librairie du Tiers-Monde pour y opérer ce qui a l’air d’une incursion dans les fosses de l’horreur. Nul besoin d’uniforme de la tyrannie ni de bruit de bottes et de fureur des canons. De tout cela ? Il n’en est rien, si ce n’est à l’aide d’un débat improvisé avec des confrères de la presse et des lecteurs qui nourrissent l’espoir de repérer une once d’estime pour l’armée d’indigènes qui ont irrigué de leur sang le brasier de la guerre (1939-1945).
Soit un conflit planétaire qui n’était pas le leur et pour lequel nos aïeux d’indigènes ont laissé leur vie dans les braises flamboyantes du tourment dévastateur. L’auteur y est allé ainsi sur l’itinéraire des contingents d’anciens combattants où l’épreuve de force n’a laissé de part et d’autre que l’ingratitude des seigneurs de la guerre, qui ont, rappelons-le, enrôlé nos aïeux qui étaient en ce temps-là enchaînés aux fers de l’apartheid et de l’occupation française. À ce propos, Saïd Saad n’a eu de cesse de héler ces héros qui livraient bataille, aux côtés des forces alliées, afin de sauver l’Europe de la mainmise des troupes nazies et qu’il n’a pas rencontrés lors de notre déambulation dans l’histoire. “Mon récit se veut l’hommage à mon père et à ses compagnons d’armes qu’ils n’ont pas eu de leur vivant, alors qu’ils sont tombés au champ d’honneur pour la France et l’Europe”, a déclaré l’auteur de Parfums d’une femme perdue aux éditions Thala (2010).
D’ailleurs, le texte d’un genre descriptif lève le voile sur l’aspect biographique de l’œuvre livresque de Saïd Saad. À cet égard, ne dit-on pas que “chaque biographie est une histoire universelle” (Bernard Groethuysen 1880-1946) ? Et, à ce titre, l’un de ces tirailleurs n’était autre que le père de l’auteur, en l’occurrence le sergent-chef Saad Ali (1920-2016), qui était dans les rangs du 4e Régiment des tirailleurs algériens (R.T.A), qui dépendait de la division de l’infanterie algérienne que commandait le général français Joseph de Goislard de Monsabert (1887-1981). Bien entendu qu’au cours d’un débat à bâtons rompus, le fiel de l’hostilité s’est peu à peu dissipé face à l’espoir que nourrit l’orateur pour que l’histoire se réécrit à deux.
Autrement avec l’adhésion d’historiens de l’autre bord, et ce, eu égard à l’élan de sympathie pour la cause “Algérie” qu’exprimait le mouvement pacifiste des “Libéraux d’Algérie” qui militaient pour l’indépendance, à l’instar des “porteurs de valises” du Réseau de Francis Jeanson (1922-2009). Dans cette optique, le débat s’est rangé dans le serment du poète Bachir Hadj-Ali (1920-1991) : “Je jure sur l’angoisse démultipliée des épouses. Que nous bannirons la torture. Et que les tortionnaires ne seront pas torturés.” Pour ce qu’est de la nouveauté, le conférencier a annoncé la publication de son prochain livre Les Rescapés du pula, qui narre l’odyssée socialement cruelle des harraga dans la ville de Pula (Italie).
Louhal Nourreddine
Les Tranchées de l’imposture, de Saad Saïd, éd. El-Othmania, 650 DA.