Culture “Un rêve, deux rives”, roman de Nadia Henni-MoulaI

“Revoir Alger et mourir”

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Ali BEDRICI Publié 15 Novembre 2021 à 09:30

© D.R
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On retrouve chez les descendants des émigrés algériens des années cinquante la même quête des racines et de vérité sur le parcours de leurs parents. Un rêve, deux rives de Nadia Henni-Moulai, paru aux éditions Slaktine en septembre 2021, est “une histoire personnelle mais universelle à bien des égards. À travers ce récit, on comprend mieux l’identité hybride (France/Algérie, Paris/Banlieue) que se construisent de nombreuses personnes issues de l’immigration qui ont grandi en banlieue”. 

Longtemps, Nadia Henni-Moulai s’est interrogée sur ses racines et sur son appartenance et, naturellement, sur son avenir. “Approchant du cap de la quarantaine, fermement décidée à exercer ce métier de journaliste qu’elle s’est choisi, le moment lui a semblé venu de poser par écrit les traces de son parcours et de ceux qui en furent les guides et les témoins.” Son père, Ahmed, s’impose comme le “héros du récit”. Un père venu en France, comme tant d’autres, pour échapper aux dures conditions de vie des montagnards. Un homme particulier, ce père qui a eu douze enfants, au gré de trois mariages et de deux veuvages. On est en pleine guerre d’Algérie, et Ahmed s’engage dans les “groupes de choc” de la Fédération de France du FLN. Occasion pour l’auteure de rappeler que “cette guerre d’Algérie fut également une guerre en France, en plein cœur de Paris ! Les événements du 17 octobre 1961 en attestent”. Ainsi, en reliant petite et grande histoires, on comprend mieux “les conséquences que peuvent avoir la colonisation puis la décolonisation sur une famille”. Après l’indépendance, Ahmed se retrouve ouvrier discipliné et père de famille respectable, mais très autoritaire.

Tout en “dirigeant” sa famille de main de maître, il nourrit le rêve de retourner à Alger pour y construire une maison. Nadia Henni-Moulai reconnaît qu’en fait elle ne découvre que “tardivement certaines facettes de cette forte personnalité, à l’égard de laquelle elle, comme ses frères et sœurs, a toujours été partagée entre crainte et admiration”. Le récit livre aussi un éclairage sincère sur “la manière dont une enfant, devenue une jeune fille, puis une femme, peine à trouver sa voie, écartelée entre son appartenance à cette France qui est sienne, bien qu’elle s’y sente souvent différente, et cette Algérie qu’elle ne veut pas renier, par égard à son père, justement, mais qui reste, à ses yeux, un lointain mirage”. Quelque peu nostalgique, le récit de Nadia Henni-Moulai “apporte une réponse convaincante à un discours tendant à considérer les immigrés et leurs descendants comme autant de menaces, niant là la complexité, mais surtout la profondeur de leur attachement à cette France dont ils sont légitimement partie prenante”.

Ahmed possède un caractère bien trempé, intransigeant, aimant ses enfants à sa manière. “On ressent un homme fougueux, battant, croyant, inculquant aux siens la droiture, la modestie et le respect. Il a des principes, des désirs, des regrets et des secrets enfouis.” Il s’éteint paisiblement à Alger, dans cette maison qu’il a toujours rêvé de construire au pays de ses racines. Ce livre de Nadia Henni-Moulai est un témoignage sur le parcours d’une famille immigrée en France, partagée entre l’appel des racines et le souci de réussir dans leur autre pays, la France. Le portrait d’un père qui fut de toutes les batailles de la vie, à commencer par celle qu’il n’a pas cessé de mener pour donner une bonne éducation à sa nombreuse descendance. Un témoignage, enfin, sur l’engagement d’Ahmed pour l’indépendance de son pays en livrant bataille dans ce que l’on appellera plus tard la Septième Wilaya.

Née en 1979 en Seine-Saint-Denis, Nadia Henni-Moulai, détentrice d’un DESS en communication, est journaliste et fondatrice du site Le Melting Book, qui “propose les portraits de ceux qui font bouger les lignes”. On lui connaît la publication de 1954-1962, la guerre d’Algérie (éditions Les Points sur les i- 2011) et du Petit Précis de l’islamophobie ordinaire, paru en 2012 chez le même éditeur. 

 


ALI BEDRICI

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