Le Salon international du livre d’Alger fait son come-back après deux ans d’absence. Pour cette 25e édition qui se tiendra du 25 mars au 1er avril au Palais des expositions des Pins maritimes (Safex), les maisons d’édition algériennes proposeront tout au long de ce rendez-vous livresque les différentes nouveautés qui viennent de sortir de l’imprimerie. À cette occasion, les férus de lecture auront l’occasion de trouver leur bonheur à travers des ouvrages scientifiques, des romans, de poésie, d’histoire...
MEDIA PLUS ÉDITIONS
Le Foulard rouge de ma colère
■ (poésie, 138 pages), de Keltoum Deffous : De ses maux mis en mots, l’auteure convoque toutes les étapes de sa vie de femme mais pas n’importe quelle femme. Alors, Keltoum Deffous, animée par son “envie de mots”, mène le combat, armée de ses “mots obscurs”, de ses “mots consolateurs”, ses mots de bonne famille, de noble composition, ses mots valeureux, ses mots profonds de leurs racines. Ses mots, elle les croque, elle les mâche, elle les rumine, pour le plaisir de son fidèle lectorat. Par Francine Ohayon, professeure agrégée de lettres. Prix : 700 DA.
Ici on noya les Algériens
■ (288 pages), de Fabrice Riceputi. Précédé d’Une passion décoloniale par Edwy Plenel. Préface de Gilles Manceron : Paris, 17 octobre 1961, 20h30. À cinq mois de la fin de la guerre d’Algérie, des dizaines de milliers d’Algériens, hommes, femmes et enfants, manifestent pacifiquement contre le couvre-feu qui leur est imposé par le préfet de police Maurice Papon (…). Plus d’une centaine sont “noyées par balles” dans la Seine. Pourtant, le lendemain, les rapports officiels ne font état que de deux morts. Face à ce mensonge d’État, un “simple citoyen” se fait chercheur. Il s’appelle Jean-Luc Einaudi. Pendant trente ans, ce “héros moral” surmonte les obstacles – omerta, archives verrouillées, procès… – pour faire connaître et reconnaître le crime d’État. C’est cette bataille intellectuelle, judiciaire et politique que retrace Fabrice Riceputi dans un récit documenté et passionnant... Prix : 1 200 DA.
Assia Djebar, le manuscrit inachevé
■ (240 pages), de Mireille Calle-Gruber et Anaïs Frantz : Ce livre apporte un éclairage tout à fait nouveau sur l’écriture d’Assia Djebar, en publiant un texte inédit, manuscrit inachevé, qui devait s’intituler Les Larmes d’Augustin et constituer un “Quatuor algérien” avec les trois romans précédemment publiés : L’Amour, la fantasia ; Ombre sultane ; Vaste est la prison. Au centre du volume : le tapuscrit des trois premiers chapitres du roman, qui ne s’appellera jamais Les Larmes d’Augustin. Et un mystère : celui de l’inachèvement de ce texte, écrit et projeté pendant vingt ans, dont il semble que l’architecture soit demeurée indécise. Publier un tel document, c’est instituer le manuscrit en archive, c’est-à-dire en assurer la transmission et l’héritage, en le donnant aux lectures à venir. Faire lire un manuscrit inachevé, c’est aussi s’obliger à en respecter l’inachèvement, c’est-à-dire l’accompagner d’une réflexion critique méthodologique. Par quoi il devient objet de recherche.
CASBAH ÉDITIONS
M’hamed Issiakhem. Ma main au feu... Portrait à l’encre
■ (360 pages), de Benamar Médiène : Ma main au feu, c’est ce qu’on dit quand on ne ment pas. L’éblouissant midi algérien n’aura pas lieu. Toute la vérité et rien que la vérité dans ce portrait à l’encre, plume de l’écrivain et pinceau du peintre confondus dans l’intensité du ressenti d’une Algérie d’avant. Sans nostalgie. Le lecteur, le cœur en feu, ne coupera pas à l’enfer vécu par M’hamed Issiakhem, ni à la beauté de son œuvre. Pas plus qu’à l’écriture de Benamar Médiène, étourdissante de maîtrise et d’émotion jusqu’au vertige. Benamar Médiène, ami de longue date de M’hamed Issiakhem et de Kateb Yacine, est docteur habilité en sociologie et en histoire de l’art. Il a enseigné aux universités d’Oran et d’Aix-en-Provence. Prix : 1 500 DA.
Des rêves à leur portée
■ (nouvelles, 160 pages), de Lynda Chouiten : Une sublime comédienne qui apprend à descendre de son piédestal ; un trentenaire souffrant d’une honnêteté excessive ; une jeune femme qui se pose des questions sur le dur métier de mère ; un vieux professeur de philosophie qui refuse de renoncer à ses idéaux ; une frêle adolescente qui n’aime pas ses mains ; et d’autres personnages encore, tous différents mais tous aussi attachants que tourmentés, et surtout, tous pleins de rêves. Des rêves enfantés dans la douleur mais qui ne leur semblent pas inaccessibles : ils aspirent à être libres, acceptés, mais aussi moins fiers, moins idéalistes, plus... “comme tout le monde”. Ces huit nouvelles sont autant de réflexions sur la difficulté de communiquer, le ressentiment, le doute et l’espoir – en un mot, sur la complexité humaine. Prix : 800 DA.
L’Appel du sang
■ (roman, 216 pages), de Hocine Meghlaoui : L’Appel du sang revient sur certains grands événements qui ont marqué le XXe siècle, comme la guerre de Libération nationale en Algérie, l’entrée des troupes soviétiques en Afghanistan, la guerre civile au Liban. Sur ce fond de réalité historique, se déploie l’histoire fantastique de jumeaux séparés dès le berceau. L’un, Hassan, est le dernier dépositaire de l’histoire de sa famille, décimée pendant la guerre de Libération. L’autre, Hocine, endosse l’uniforme de l’armée française dans l’ignorance totale de ses origines. En assurant leurs retrouvailles dans un Beyrouth en ruine, le hasard convoquera la question de l’apaisement des mémoires. Diplomate de carrière, Hocine Meghlaoui a été en poste en Asie, en Afrique, en Europe, en Amériques du Nord et du Sud. Depuis sa retraite, il se consacre à l’enseignement et à l’écriture. Prix : 850 DA.
BARZAKH ÉDITIONS
La Plus Secrète Mémoire des hommes
■ (roman, 464 pages), de Mohamed Mbougar Sarr : En 2018, Diégane Latyr Faye, jeune écrivain sénégalais, découvre à Paris un livre mythique, paru en 1938 : Le Labyrinthe de l’inhumain. On a perdu la trace de son auteur, qualifié en son temps de “Rimbaud nègre”, depuis le scandale que déclencha la parution de son texte. Diégane s’engage alors, fasciné, sur la piste du mystérieux T. C. Elimane, où il affronte les grandes tragédies que sont le colonialisme ou la Shoah. Du Sénégal à la France, en passant par l’Argentine, quelle vérité l’attend au centre de ce labyrinthe ? D’une perpétuelle inventivité, La Plus Secrète Mémoire des hommes est un roman étourdissant, dominé par l’exigence du choix entre l’écriture et la vie, ou encore par le désir de dépasser la question du face-à-face entre Afrique et Occident. Il est surtout un chant d’amour à la littérature et à son pouvoir intemporel. Prix : 1 300 DA.
Maison Atlas
■ (roman, 368 pages), d’Alice Kaplan. Traduit de l’américain par Patrick Hersant : Années 1990 : Emily et Daniel, tous deux étudiants, se rencontrent à Bordeaux. Emily est une jeune Américaine délicate et réservée, Daniel Atlas, juif algérien, un dandy tourmenté. Leur amour ne durera que quelques mois – la guerre civile en Algérie oblige Daniel à rejoindre son pays où vivent toujours ses parents. Car cette illustre famille de commerçants, ancrée depuis toujours dans cette terre, qui a connu l’Algérie colonisée puis indépendante, a choisi d’y rester envers et contre tout.
Dans une composition virtuose, entrelaçant subtilement petite et grande histoire, liberté fictionnelle et rigueur historique (également nourrie d’archives), Alice Kaplan explore la question de l’héritage juif algérien, de son inscription et de sa survivance dans le destin de l’Algérie contemporaine. L’amplitude de ce roman sur la transmission, par ailleurs porté par une écriture à l’élégance extrême, est inédite : il investit, avec une belle et adroite audace, un imaginaire nouveau où s’entrecroisent l’Algérie et les États-Unis et où se déploient des personnages complexes et attachants, se frayant avec mélancolie un chemin dans le cours tragique de l’Histoire. Prix : 1 000 DA.
Son Œil dans ma main
■ (beau livre, 232 pages), de Kamel Daoud et Raymond Depardon : 1961, Raymond Depardon, à peine 19 ans, est envoyé comme reporter photographe en Algérie. Là, il capte la fin du temps colonial, tandis que, pendant les accords d’Évian, côtoyant la délégation algérienne, il en saisit l’intimité avec une rare délicatesse. 2019, Raymond Depardon et l’écrivain Kamel Daoud se rencontrent ; ensemble ils déambulent dans les rues oranaises – amitié en partage. Le premier photographie Oran et Alger dans leur contemporaine bigarrure, le second écrit des textes libres et sauvages autour des clichés de 1961 et de 2019. Ce beau livre, réalisé en coédition avec les éditions françaises Images Plurielles (Marseille), est à l’origine d’une exposition au titre éponyme à l’Institut du monde arabe (IMA) de Paris, du 7 février jusqu’au 17 juillet 2022. La couverture a deux couleurs de toile : verte pour l’Algérie, bleue pour la France.