Disparu mardi dernier à l’âge de 63 ans, Kezzar aura connu une carrière flamboyante entamée alors qu’il était encore étudiant. Il rejoint en 1978 le groupe de la “protest song” Imazighen Imula de Ferhat Mehenni. Il ne tardera pas à voler de ses propres ailes en se lançant dans une carrière solo, menée en parallèle avec son métier de professeur de lycée.
Le chanteur et enseignant Mohand Ouali Kezzar est décédé de la Covid-19 mardi à l’âge de 63 ans à l’hôpital d’Azazga, où il a rendu l’âme. Il est parti comme il a vécu, presque en s’excusant. Sa carrière fulgurante a été lancée alors qu’il était étudiant à l’université de Bab Ezzouar, à Alger. C’est Ferhat Mehenni, alors leader du groupe engagé Imazighen Imula, qui l’a presque initié à la chanson. Originaire du même village que Ferhat, Merghena en l’occurrence, Kezzar a rejoint le groupe de la “protest song” en tant que musicien. “C’est en 1978 que je lui avais demandé de rejoindre Imazighen Imula, alors qu’il était encore étudiant en sciences exactes. C’est avec lui que j’avais enregistré à Bagnolet, en 1981, le deuxième album 33 tours, intitulé Chants berbères de lutte et d’espoir”, témoigne Ferhat Mehenni au sujet du défunt. Kezzar avait fait également les basses de la chanson Oued Ouchayeh et les chœurs dans Am arezg-nnegh, se rappelle M. Mehenni, qui ne tarie pas d’éloges sur ce singulier membre d’Imazighen Imula. Mohand Ouali ne tardera pas à voler de ses propres ailes, en se lançant dans une carrière solo qui aura été pour le moins flamboyante. Une carrière menée en parallèle avec son métier de professeur de lycée. S’en est suivie une série d’albums à la thématique diversifiée. Tibrihirin constitue à cet effet un véritable plaidoyer pour l’amour. Le texte se décline en un échange épistolaire entre deux amoureux.
Dans sa discographie, on retrouve des œuvres d’une grande valeur artistique. Asekran, un texte imagé d’une grande densité poétique, retrace la vie nocturne d’un soulard dans les rues désertes de la ville plongée dans les bras de Morphée. Le buveur adossé au mur, avec comme seule compagnie une bouteille presque vide, semble oublier le temps qui passe. Djerdjer et Ma mmutegh awen d-djegh sont également des œuvres de haute facture. Mohand Ouali a chanté Imagine de John Lennon, un texte adapté par son frère l’écrivain Ameziane Kezzar.
L’enseignant qu’il était mettait autant d’ardeur et de passion à prodiguer le savoir qu’à composer ses œuvres artistiques. Une anecdote racontée par ses amis sur les réseaux sociaux. Par un jour de printemps, Mohand Ouali avait fait la file à la poste pour retirer son salaire. À un collègue qui demanda de ses nouvelles, l’artiste répliqua : “Tu sais, le mois de travail est beaucoup moins fatigant que cette journée où l’on vient chercher le misérable salaire”, allusion à la pagaille qui gagne souvent les bureaux de poste lorsque les fonctionnaires viennent retirer leur salaire et les retraités leur pension. Kezzar a toujours considéré l’art aussi nécessaire que le savoir, c’est pourquoi on le voyait à quelques occasions se présenter au travail avec son cartable et une guitare en bandoulière.
Yahia Arkat