“La jeune littérature du Mali au XXIe siècle” était la thématique traitée, lundi, à l’espace Esprit Panaf du Salon international du livre d’Alger. À cet effet, c’est l’auteur malien Diadié Dembélé, (plusieurs fois primé), qui a partagé son expérience et son univers avec l’assistance fort nombreuse. Âgé seulement de 26 ans, le romancier a apporté dans sa valise, son tout dernier roman intitulé Le duel des grands-mères. Si le titre prête à confusion, il s’agit bien d’un duel dans le texte, mais celui des langues. C’est l’histoire d’un jeune garçon du nom d’Ahmet qui vit à Bamako avec sa maman. Il apprend le français à l’école, alors il délaisse les deux autres langues qu’il parle, le bambara et le sunéké. De peur qu’il ne soit déraciné, ses parents décident de l’envoyer dans son village d’origine ; ce déménagement lui permettra de rencontrer ses grands-mères, découvrir des secrets de famille, mais surtout de mûrir. D’emblée, l’auteur confie au public que la langue est un “prétexte” pour raconter cette histoire.
Car, le Mali compte pas moins de treize langues officielles. Comparé par une personne de l’assistance à l’écrivaine Faïza Guène,- l’introduction du verlan et expressions populaires-Dembélé a tenté également à sa manière de révolutionner la littérature malienne, en y intégrant sa langue maternelle. “J’ai essayé d’utiliser le français à ma manière, et ce, en y intégrant le bambara. En fait, j’ai un rapport un peu ambigu avec le français : c’est une langue que j’ai aimée et détestée parfois”, explique-t-il. Et de renchérir : “C’est une langue que j’ai appris à l’école, mais c’est aussi une langue dans laquelle j’ai automatiquement écrit mes textes, sans me poser forcément la question de savoir si je devais utiliser ou non cette langue !”.
Et à l’auteur de confier : “J’ai pris le parti de ne pas écrire comme Molière, mais de m’approprier la langue, et d’y faire ainsi entrer mon imaginaire et m’autoriser beaucoup de liberté.” Concernant la place des jeunes plumes maliennes dans la littérature, sujet de cette rencontre, le conférencier a indiqué qu’elles souffrent d’un manque de “légitimité” et qu’elles ont du mal à émerger. “Il y a toujours cette peur, ce sentiment d’illégitimité ; de se dire que nous ne sommes pas légitimes, que nous ne pouvons donner notre avis, de raconter des histoires.” Alors que cette jeunesse est avide de raconter ses désirs, ses espoirs et ses rêves. “Il y a beaucoup de gens qui à travers le slam et d’autres moyens d’expression, naviguent tout doucement vers la poésie ; le roman ; le théâtre, mais cela reste assez minoritaire, et dommage !” Selon Diadié Dembélé, le monde de l’édition est assez “fermé” au Mali, mais “je pense que les jeunes eux-mêmes ne se sentent pas légitimes.
Il y a aussi un regard académique sur la jeunesse ou tout simplement pour le cas du Mali, il y a trop de gérontocratie”. Il est question également du lectorat, qui préfère lire les livres d’un écrivain âgé entre 50-60 ans, qui “a beaucoup voyagé et vécu. Si en face de lui il y a un jeune qui vient d’obtenir le bac, ou qui vient de commencer à travailler, et voudrait se lancer dans le domaine ; les éditeurs sont peu réceptifs à l’égard de ses textes, parce que les lecteurs aussi préfèrent lire des auteurs d’un certain âge”, regrette-t-il. Cette rencontre avec Diadié Dembélé était un moment plein de partage et de magie, qui démontre une fois de plus que l’Afrique regorge d’une jeunesse en or, qui attend seulement d’être portée et encouragée…
Hana M.