Malgré l’adoption de la loi 15-13 relative aux activités et au marché du livre publiée au “Journal officiel” du 19 juillet 2015, le chemin est encore long pour évoquer, aujourd’hui, une véritable politique du livre qui permet de créer une industrie ou encore de rendre la lecture accessible à tous.
Le secteur du livre en Algérie pâtit de bon nombre de problèmes ayant lourdement impacté la chaîne du livre, et ce, même avant l’apparition de la pandémie de coronavirus.
Parmi les difficultés auxquelles font face imprimeurs, éditeurs et libraires, on retrouve, notamment, la pénurie de papier, les taxes et le problème d’importation. Malgré l’adoption de la loi 15-13 relative aux activités et au marché du livre, publiée au Journal officiel du 19 juillet 2015, le chemin est encore long pour évoquer, aujourd’hui, une véritable politique du livre qui permette la création d’une industrie ou encore de rendre la lecture accessible à tous.
Sur ces questions, à savoir peut-on évoquer aujourd'hui l'existence d'une politique du livre en Algérie ? Et quel est l'impact de la loi 15-13 sur ce secteur ? Deux éditeurs ont bien voulu répondre à cette problématique qui reste complexe pour les professionnels du milieu.
L’éditrice Samia Zennadi (éditions Apic) déclare : “Quand on parle de l’existence d’une politique du livre dans un pays du Sud, généralement encore dépendant par la langue, l’actualité livresque et l’économie des centres d’éditions des anciennes métropoles, cela sous-entend que le pays en question a réagi à l’action interventionniste économique et culturelle de l’étranger.”
Et d’ajouter : “On a décidé de la contenir par l’élaboration d’un plan global d’intervention qui permettra à l’État de renforcer son rôle dans la culture, l’éducation et le livre dans la perspective d’offrir au pays la possibilité d’accéder à une plus grande indépendance sur le plan scientifique, théorique, technique, culturel et même industriel.”
Sur ce point, l’éditrice a appuyé son propos en soulignant que l’impact positif sur le secteur de l’édition nationale sera “progressivement visible” et permettra de “confirmer” le rôle de l’éditeur et du libraire en tant que diffuseur culturel. Et pour sa réussite, elle estime que “la loi du livre, étayée par des études sérieuses basées sur des données multisectorielles réelles (diagnostic, enquêtes, rapports, statistiques, pronostic…) et répondant à cette projection d’avenir, devrait garantir l’aboutissement des stratégies et des actions mises en place et menées par l’État en matière de livre et de lecture”.
Concernant la situation en Algérie, pour Samia Zennadi qui exerce cette profession depuis deux décennies, des manifestations, telles que des festivals ou capitales, organisés par l’État par le biais du ministère de la Culture, ne sont pas “intégrées dans la vision globale de la construction d’un projet souverain, seule alternative pour la transformation d’une économie consommatrice en une économie créatrice de richesses, et ce, malgré l’existence de structures telles que la Direction du livre et de la lecture publique ou le Centre national du livre”.
“Notre dépendance aux intrants de l’imprimerie pour ne parler que de cette activité liée à l’édition (papier, encre, colle, machines…) est toujours d’actualité, le tissu des librairies s’est encore appauvri, les tirages de livres sont de plus en plus coûteux et réduits”, regrette-t-elle.
Au sujet de la loi du livre, elle indique qu’“elle n’est pas accompagnée par des mécanismes qui assurent la protection de l’édition nationale”, même si elle fait référence aux projets d’ouverture de bibliothèques et de librairies à travers tout le territoire national. Et l’éditrice de marteler : “Le ministère de la Culture, qui multiplie les appels aux investisseurs, devrait tenir compte du fait que les ‘vrais éditeurs’ sont également des investisseurs et des acteurs économiques.”
Pour sa part, Arezki Aït Larbi des éditions Koukou a rappelé que “le livre n'a pas échappé à la ‘sinistrose ambiante’, et la filière est à ‘l'agonie’”. Pour l’éditeur, “les rares librairies qui ont survécu à la vague des fast-foods sont en train de fermer les unes après les autres. La dernière en date est la librairie Alloula d'Oran, inaugurée en 2019, qui vient de mettre la clé sous le paillasson”, regrette-t-il.
Il a n’a pas omis de rappeler que malgré le retour du Sila et sa célébration, les autorités concernées “ferment les yeux sur le papier, bloqué au port pour on ne sait quelle raison bureaucratique.
Résultat : pour Koukou éditions, plusieurs ouvrages prévus pour le Sila n'ont pas été édités, d'autres sont imprimés en quantités homéopathiques”. Situation qui en dit long sur l’importance accordée au livre !
Par ailleurs, M. Aït Larbi précise que la loi de 2015 est plutôt libérale, malgré le “zèle de quelques députés qui avaient tenté d'instaurer une censure préalable. Mais faute de volonté politique, elle n'a pas eu d'impact positif sur le secteur, lorsque son application n'a pas été pervertie, notamment dans le chapitre des subventions octroyées en priorité à la clientèle du sérail”.
Afin de sortir le secteur du gouffre, il propose qu’une politique du livre ait un objectif, à savoir mettre un ouvrage de qualité — dans le contenu comme dans le support — à la disposition du citoyen-lecteur à un prix raisonnable.
Cette politique passe par le soutien au prix des intrants (papier, colles, encres…) en réduisant notamment les taxes, comme cela a été fait pour la téléphonie mobile. Pour l'instant, on persiste dans le bricolage.
Hana M.