Autrice de l’ouvrage L’Italie et la guerre d’Algérie. 1954-1962 (éditions Dahlab), Bruna Bagnato est docteur en histoire des relations internationales et professeure d’histoire des relations internationales à la faculté des sciences politiques de Florence. Invitée au Salon international du livre d’Alger (25 mars-1er avril), elle a animé une rencontre sur le rôle de l’Italie et d’Enrico Mattei, durant la Révolution algérienne.
Liberté : De retour au Sila pour animer une rencontre. Qu’avez-vous pensé de cette édition ?
Bruna Bagnato : Ce fut un plaisir particulier de participer à cette édition du Sila, dans laquelle l'Italie est l’invitée d'honneur. Cette invitation reflète la profondeur des relations culturelles entre nos deux pays.
Vous avez publié un ouvrage L’Italie et la guerre d’Algérie. 1954-1962 (éditions Dahlab). Comment est né ce projet ?
Le projet est né de l'intérêt de comprendre comment l'Italie, un pays qui avait fait un choix occidental précis, et en même temps un choix anticolonial, pouvait résoudre cette potentielle contradiction dans le cas dramatique de la guerre d'Algérie.
Pouvez-vous nous éclairer sur le rôle de l’Italie durant la Révolution algérienne ?
Pendant la Révolution algérienne, l'Italie ne peut se soustraire à ses devoirs de solidarité envers la France, pays ami et allié. Mais au-delà de la solidarité formelle à Paris, les courants de sympathie pour l'indépendance sont très forts. L'indépendance algérienne est, en effet, considérée comme inéluctable et les horreurs de la guerre (qui rappellent le Risorgimento et la Résistance italienne) touchent profondément la sensibilité de l'opinion publique et celle de la classe politique italienne. Des collectes d’aides et de médicaments pour le FLN sont organisées, la presse et les éditeurs mobilisent l’opinion au sujet de la guerre algérienne ; une “Semaine de l’Algérie” est organisée en décembre 1960 ; l’ENI, avec son président Enrico Mattei, soutient ouvertement les raisons de l’indépendance.
Vous avez animé une conférence aux côtés de Daho Ould Kablia. De quelle manière avez-vous vécu cet échange avec un historien algérien ?
L'échange avec un historien algérien a été très intéressant, car il a permis une comparaison utile entre différents points de vue.
Vous avez évoqué lors de cette rencontre, la conférence méditerranéenne de la paix à Florence. Pouvez-vous nous éclairer sur cette phase importante dans la collaboration algéro-italienne ?
Giorgio La Pira, longtemps maire de Florence, estimait nécessaire d'œuvrer pour la paix en Méditerranée et organisa le Colloque méditerranéen de Florence dans le but d'obliger Français et Algériens au dialogue. Le colloque était l'expression de son désir de créer un pont politique et spirituel entre l'Occident chrétien et les pays musulmans pour assurer la paix et la stabilité dans la région méditerranéenne.
Et qu’en est-il de la rencontre entre La Pira et Tayeb Boulahrouf…
La Pira estimait que Boulahrouf, représentant du FLN en Italie, puis premier ambassadeur d'Algérie à Rome, était un interlocuteur important. La Pira appelait Boulhahrouf “Augustin”, en mémoire de saint Augustin, le saint et philosophe né en Algérie, près de l'actuelle ville de Annaba.
Des écrivains comme Feraoun et Amrouche ont participé au congrès des écrivains et artistes noirs en Italie. Est-il possible de nous éclairer sur cet échange intellectuel et culturel ?
La Société africaine de culture, après sa première Assemblée à Paris, en 1956, décide d’organiser à Rome, en mars 1959, le deuxième Congrès des écrivains et artistes noirs.
Évidemment, le choix n’est pas fortuit : comme le souligne le Pape Jean XIII, elle “a voulu prendre pour siège de ses assises internationales un haut lieu de la culture humaine et chrétienne”.
Entretien réalisé par : HANA MENASRIA