Depuis toute petite, on m’a toujours parlé de la Casbah d’Alger et de son potentiel historique. Un joyau patrimonial, un lieu de mémoire autant que d’histoire : la médina renferme dans ses entrailles un fabuleux patrimoine historique et culturel, ainsi qu’une structure urbaine traditionnelle associée à un grand sens de communauté de ses habitants. A l’occasion de la première édition des « Journées théâtrales de la Casbah », qu’abritera le TNA (Théâtre national algérien) du 22 au 30 décembre 2021, et dans le but de vous la faire découvrir, cet article fera objet d’un circuit mémoriel relatant ma propre visite à la Casbah contenant plusieurs scènes de cette ville théâtrale par excellence.
Scène1 : Sidi Ramdane, un lieu où une pause s’impose
Tout a commencé à la haute Casbah. Sidi Ramdane, fut mon lieu préféré du parcours. Un des quartiers les plus incontournables de la haute Casbah, témoin de l’âme traditionnelle de la médina et abri des algériens lors de la colonisation. Cris de bambins, échos de voix de Casbadjis, murs décrépis sont le décor théâtral de ce vieux quartier algérois. Ses « zniqat » sinueuses et étroites, ses maisons adossées les unes aux autres, donnent à la ville un caractère amphithéâtrale. Implantée sur la partie pentue de la Casbah, Sidi Ramdane bénéficie d’une vue imprenable sur mer surplombant la baie d’Alger, elle offre aux fidèles une image attrayante de la cité qui épouse dans son élan en un trait continu la mer méditerranée, et devient, de par son emplacement et son patrimoine, un point de pause pour les visiteurs.
Il est midi, notre faim guette, et nous avons plus que hâte de déguster la fameuse «Kebda» dont on nous parle toujours, un peu plus bas de Sidi Ramdane. C’est au niveau de « Zenqet Elahamine » que se dégage une odeur si familière, celle de « Kebda Mchermla ». Certains, sont déjà installés le long des escaliers de la ruelle, entourés de chatons, entrain de déguster un patrimoine culinaire par excellence, une recette familiale transmise de génération en génération, que même les vieilles femmes de la Casbah n’arrivent pas à imiter.
Scène 2 : Les douirat, un lieu d’appartenance
La Casbah a ce pouvoir de donner l‘impression que rien n‘a bougé, que le temps est figé. En découvrant le cœur des maisons, une émotion drôle nous a envahis, un sentiment d’appartenance nous a gagnés, une certitude d‘avoir déjà vécu ces moments et que cet endroit nous est familier. En poursuivant notre parcours vers la basse Casbah, plusieurs douirat reconverties en musées ont interpelé notre chemin. Il nous était impossible de ne pas y pénétrer à la majestueuse Dar Aziza. Au cœur de la Douira se trouve un « wast eddar » abritant au centre, un jet d’eau, autour duquel s’articulent les différentes entités de la maison. Conçu pour répondre principalement au problème d’intimité, ce puit de lumière devient un espace convivial, où se retrouvent les différents membres de la famille pour former une Qaeda typiquement algéroise. Dotés d’une richesse décorative, les murs intérieurs du patio sont entièrement encadrés de faïence et de Zellidj; à motifs floraux où géométriques, faisant preuve du génie artisanal de cette médina.
Si vous êtes amoureux d’art et d’artisanat, la prochaine scène sera votre préférée du parcours.
Scène 3 : La rue Bab El Oued, mémoire d’une rue artisanale et commerciale
En sortant de Dar Aziza, nous aboutissons directement vers la Place des Martyrs, toute revêtue de blanc à l’image d «’Alger la Blanche ». Une ambiance particulière régnait sur les lieux en cet après-midi. Marché, galeries à arcades, une mémoire d’un lieu commercial et artisanal longe la place. Autrefois, cette rue était dédiée en grande partie aux génies-artisans de la médina pour vendre et exposer leurs créations. Aujourd’hui, ces derniers, marginalisés, occupent certaines boutiques difficiles à trouver.
« Après un passage à vide qui a duré des années, mes articles artisanaux commencent à trouver preneur », indique un dinandier. C’est dans une boutique minuscule située derrière la mosquée Ali Bitchine que cet artisan pratique sa passion et produit des merveilles. Il estime que les objets fabriqués en usine n‘ont pas d‘ « âme ». « Mes créations sont fabriquées avec amour. Chaque pièce est façonnée avec sueur et affection » Affirme-t-il.
A la fin de cette rencontre, et avec ma vision d’architecte, j’ai pu conclure encore une fois, que la Casbah est le résultat d’une ingéniosité artisanale. Valoriser cette richesse patrimoniale est notre mission.
Scène 4 : Vers le TNA, animons les « Journées théâtrales de la Casbah »
En avançant vers l’ouest de la médina, nous apercevons le TNA; un monument colonial par excellence, imposant par ses gigantesques vitres bordées de colonnes en saillie et sa richesse décorative. Construit en période colonial afin de répondre aux besoins urbains des colons jugés inexistant, il devient un mal pour un bien pour les algériens. Auto-formés, ils ont cultivé les seuls modes de communication qui pouvaient échapper au pouvoir colonial et qui se pratiquaient au sein de la communauté d’où le sens de théâtralité s’est développé. Depuis, le théâtre algérien constitue son public et son succès. Il puise ses thèmes dans la vie quotidienne, la tradition orale, les contes des mille et une nuits. Concerts de musique, spectacles, pièces de théâtre, les expériences de mises en scène et rencontres littéraires font objet du programme actuel du TNA.
C’est ainsi que ce circuit mémoriel touche à sa fin, mais avec une annonce particulière. A l’image de cette dernière scène consacrée au potentiel théâtral de la ville, le théâtre national algérien organise la première édition des "Journées théâtrales de la Casbah" qui se tiendra du 22 au 30 décembre prochain. Amoureux de pièces théâtrales, débats, ateliers de formation et expositions ? Soyez tous au rendez-vous pour une connaissance et valorisation patrimoniale !
Yasmine SALHI
(Partenariat "LIBERTÉ-Digital"/"Charrette-club")