Liberté : Vous avez annoncé la relance de la Coordination des syndicats autonomes (CSA). Pourquoi maintenant ?
Boualem Amoura : La première raison est liée au recul de la pandémie de Covid-19. Or, durant de longs mois, nous avons été gênés par la situation sanitaire. Ensuite, le gouvernement est en train de traiter des sujets qui concernent directement le monde du travail. Nous avons donc jugé utile et opportun d’intervenir en ce moment pour être partie prenante des dossiers en discussion. Nous ne pouvons pas laisser le gouvernement faire passer ses décisions seul. À titre d’exemple, il a fait passer les amendements portés à la loi 90-14 portant sur l’exercice du droit syndical en réécrivant uniquement quelques articles. Or, en tant que syndicalistes, nous demandons la révision totale de cette loi. Le gouvernement veut également revoir, au mois d’avril, le point indiciaire de la Fonction publique. Là aussi, nous disons que nous avons notre mot à dire.
Quelles sont vos principales revendications dans l’immédiat ?
Dans l’immédiat, notre revendication principale reste le pouvoir d’achat, dont l’érosion a commencé bien avant 2022. Déjà en 2016, lorsque nous activions au sein de l’intersyndicale, nous revendiquions l’amélioration du pouvoir d’achat.
Depuis septembre 2021, le pouvoir d’achat des Algériens baisse de manière insupportable. Les prix de la majorité des produits ont augmenté parfois de 200%. C’est pourquoi, nous avons fait de cette question une priorité. Avec un bon salaire, on peut bien manger, soigner et habiller ses enfants, et pourquoi pas aller en vacances. Ce n’est malheureusement pas le cas. Le travailleur algérien n’a pas le droit à une vie décente.
Mais il y a évidemment d’autres revendications comme le départ à la retraite sans condition d’âge, la levée des entraves au libre exercice syndical comme une priorité, puisqu’il y a un harcèlement des syndicalistes. Comme les autres libertés, celle de l’activité syndicale a été réduite ou carrément attaquée. Il y a une régression des libertés syndicales.
Vous évoquez l’amélioration du pouvoir d’achat. Les autorités ont souvent affirmé avoir pris des mesures pour l’améliorer. Comment avez-vous accueilli ces affirmations, notamment celles liées à la hausse du point indiciaire de la Fonction publique ?
Le gouvernement a pris effectivement certaines décisions pour améliorer le pouvoir d’achat. Mais pour nous, cela n’est pas la meilleure des solutions. Prenons les réductions de l’impôt sur le revenu global (IRG). Nous avons vu que les augmentations qui n’ont été que de 3 600 DA au maximum, sont vite absorbées par l’inflation, qui est en réalité à deux chiffres, même si le gouvernement a donné un taux de 9%. Les augmentations n’ont donc pas amélioré le pouvoir d’achat. Dans le dossier des salaires, il semble que le gouvernement entend augmenter le point indiciaire et non pas sa valeur, qui n’a pas varié depuis 2007. Elle est de 45 DA, ce qui est inconcevable. À titre d’exemple, le montant de la zakat était de 35 DA. Elle est passée à 120 DA. Il est calculé sur la base du prix de l’or et de l’inflation. Pendant ce temps, la valeur du point indiciaire est gelée à 45 DA depuis 2007. Nous demandons de l’aligner sur celle de la zakat, donc à 120 DA.
Avec le retour de la CSA, y a-t-il une volonté de demander sa reconnaissance comme confédération syndicale ?
Après l’adoption, par les deux Chambres de la révision de la loi 90-14, qui est venue grâce au combat de notre organisation qui a contacté le Bureau international du travail (BIT) en 2019, la CSA est agréée de fait. L’article 4 de la nouvelle loi permet aux syndicats de se constituer en fédérations et unions. Nous sommes donc agréés de fait et nous attendons notre enregistrement. Le gouvernement doit respecter ses engagements. Nous allons commencer notre travail pour une reconnaissance officielle. Il y a beaucoup de problèmes à poser au gouvernement, même si nous savons qu’il ne répond pas favorablement aux demandes des syndicats, notamment autonomes.
Lors de la réunion, vous n’avez pas exclu des actions de protestation…
Bien sûr ! Cela entre dans le cadre des plans de la CSA. Nous avons vu que dans certaines régions du Sud, les travailleurs de la Fonction publique sont en grève depuis lundi. Nous ne pouvons donc pas rester à l’écart des revendications des travailleurs, surtout que nous subissons des pressions de la part de la base qui ne peut plus tenir. Nous sommes obligés d’aller vers des actions de protestation si le gouvernement ne satisfait pas dans l’immédiat les revendications des travailleurs. Mais cela doit être d’abord au niveau des conseils nationaux des syndicats respectifs.
Propos recueillis par : Ali Boukhlef