Emprunter une navette de transport public est tout aussi problématique. “Monter dans un taxi-bus est une torture pour toute les personnes à mobilité réduite. Aucune facilité d’accès ne leur est aménagée, aucun siège adapté ne leur est réservé...
“Nous en avons assez d’interpeller vainement qui de droit pour obtenir un minimum de dignité pour la personne handicapée. Nous avons la désagréable impression que le sort cette frange de la population est le cadet des soucis des responsables à tous les niveaux. Sinon, comment expliquer la non-prise en charge de nos doléances, maintes fois réitérées, notamment celle relative à l’accessibilité en ville pour la personne handicapée ?
Personne n’a le droit de nous condamner à la marginalisation et à la souffrance en silence”, dit d’un ton courroucé Kamel Issediken, le président de l’association Espoir des handicapés d’Akbou. Et de poursuivre : “C’est triste de le dire, mais la plupart des personnes valides, qui n’ont pas un handicapé à leur charge, se foutent royalement de cette frange de la population.”
Parmi les contraintes soulevées par notre interlocuteur, l’absence d’accessibilité en milieu urbain revient comme un leitmotiv. “La cité est imaginée, conçue et construite pour la seule personne valide. Le handicapé est tout simplement ignoré. Pour ce dernier, vaquer à ses occupations ordinaires prend les allures de parcours du combattant. Trouvez-vous normal qu’excepté l’hôpital, aucun autre édifice public ni administration n’est pourvu d’un accès pour les handicapés”, s’interroge-t-il, interloqué.
Cloué sur une chaise roulante, après une lésion accidentelle de la colonne vertébrale, un quadragénaire affirme vivre un cauchemar au quotidien : “Toutes les structure, qu’elles soient publiques ou privées, me sont interdites. Je ne peux accéder ni à la mairie, ni à la banque, ni à la poste. Même les distributeurs de billets, installés sur la voie publique, sont hors de portée de la personne handicapée. La moindre tâche, comme le retrait de mes indemnités ou la consultation de mon compte, requiert l’assistance d’une tierce personne. Parfois, je me retrouve obligé de confier le code de ma carte magnétique au premier venu, au risque de tomber sur une personne malveillante...”
Plus grave encore, des personnes paraplégiques sont logées aux étages supérieurs des cités résidentielles dépourvues d’ascenseurs. “L’administration en charge du logement sait pertinemment que tous les appartements du parc immobilier à usage d’habitation d’Akbou, ne sont accessibles que par les escaliers. Je connais plein de personnes handicapées qui ne peuvent même pas se tenir debout, et qui ont vainement supplié les autorités de leur attribuer un logement au rez-de-chaussée.
On est resté insensible à leurs doléances. N’est-ce pas de la cruauté que de les condamner à mourir à petit feu”, fulmine un handicapé du quartier Arafou. Et d’enchainer : “On nous ôte jusqu'au droit à la vie. On est condamné à une double peine ; le malheur de trainer, sa vie durant, une tare physique et la discrimination confinant au sadisme, d’une partie de la société.”
D’autres handicapés soulignent que même se mouvoir dans l’espace public relève de l’exploit, a fortiori quand ils souffrent d’une impotence sévère. “La hauteur du trottoir jure souvent avec l’aptitude de la personne handicapée. Ces espaces ne sont rien d’autre que des parcours d’obstacles. Quand ils ne sont pas encombrés par des matériaux de construction à l’abandon, ils sont obstrués par des voitures en stationnement ou squattés par les commerçants et les marchands de l’informel”, relève avec dépit le père d’un adolescent handicapé.
Emprunter une navette de transport public, déplore-t-on, est tout aussi problématique. “Monter dans un taxi-bus est une torture pour toute les personnes à mobilité réduite. Aucune facilité d’accès ne leur est aménagée, aucun siège adapté ne leur est réservé. Certains transporteurs se montrent même arrogants et méprisants. Beaucoup de handicapés en ont fait l’amère expérience”, râle un malvoyant, la cinquantaine.
Censées assurer l’éducation inclusive et l’intégration sociale, l’école est aussi pointée du doigt par certains handicapés. “Des directeurs qui refusent la scolarisation d’un enfant uniquement parce qu’il est handicapé, c’est tout juste inconcevable et scandaleux. Pourtant, c’est la triste réalité.
Quelques responsables finissement par céder sous la pression des parents, mais placent l’enfant handicapé dans des conditions de scolarité intenables”, témoigne, révulsée, la maman d’un enfant autiste, résidant au quartier Arafou.
SYPHAX M.