Liberté : Comment évaluez-vous la situation épidémiologique qui prévaut en Algérie ?
Dr Mohamed Melhag : Actuellement en Algérie, l’on assiste à une décrue des cas de Covid-19. Tous les indicateurs dont le nombre de nouveaux cas enregistrés, le nombre de personnes admises en réanimation et le nombre de décès confirment cette baisse significative qui indiquent que la situation est stable. Cependant, il est à noter que l’OMS vient de tirer la sonnette d’alarme en disant que les pays qui se sont précipités dans la levée des mesures barrières, notamment les pays européens, enregistrent une augmentation du nombre de nouveaux cas. Scientifiquement, cela s’explique par l’existence du nouveau variant Omicron Ba2 qui se propage rapidement et a un pouvoir de contagiosité supérieur à Omicron Ba1, voire au variant d’origine.
En Algérie aussi il y a eu un relâchement général qui, bien sûr, coïncide avec cette baisse des cas rassurante. Comment voyez- vous cela ?
D’abord, il faut faire la différence entre la fin de la pandémie et la fin de la quatrième vague. On n’a jamais cessé de dire que ce n’est pas la fin de la pandémie. Nous disposons d’indicateurs et tous les scientifiques qui appellent au respect des mesures barrières se basent sur des données scientifiques fiables. On est, certes, sortis de la quatrième vague, les cas sont en nette diminution, mais scientifiquement parlant, le virus est toujours là. Les laboratoires de virologie et de recherche génique affirment que le virus existe toujours et à chaque instant, il y a une mutation. Cette dernière se produit par la multiplication à l’intérieur de l’individu lui-même et en se transmettant d’une personne à une autre. Pour le moment, ces mutations ne sont pas préoccupantes, mais il faut garder en tête que le variant Omicron Ba2 qui domine peut ressurgir à n’importe quel moment.
L’OMS et les experts, les chercheurs en virologie, en immunologie et en épidémiologie concluent que la pandémie est toujours là et alertent : on est toujours en pleine pandémie, le virus est toujours là et se propage à une grande vitesse.
Je peux dire qu’en Algérie, on est très loin de l’immunité collective. D’après les récentes publications des laboratoires américains concernant la protection collective, Omicron induit une faible immunité, surtout en matière de production d’anticorps neutralisants. Du coup, il ne faut pas s’appuyer sur l’immunité due à Omicron car elle est insuffisante. C’était une hypothèse, maintenant, confirmée par des études.
Comment doit-on se préparer pour une éventuelle cinquième vague ?
Nous avons une trêve qui ne peut pas dépasser les trois mois. Une récente étude américaine confirme que l’immunité d’Omicron n’est pas durable. Maintenant, il faut se préparer pour une cinquième vague. Il faut respecter les mesures barrières, se protéger et se mettre à l’abri en se vaccinant. D’après les statistiques du ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, la vaccination ne dépasse pas 32% de la population ciblée et 12% de la population générale. Ces paramètres sont à prendre en considération. Nos confrères qui parlent d’immunité collective comptaient sur l’immunité induite par Omicron. Ce qui n’est pas le cas, d’après les études récentes.
Dans d’autres pays, il y a recrudescence des cas, pourtant le taux de vaccination est important. Comment expliquez-vous cela ? Et qu’en est-il de l’allègement de certaines mesures en Algérie ?
Vous me donnez l’occasion d’aborder un volet très important de la pandémie. En effet, les efforts conjugués de la communauté scientifique internationale et des gouvernements à travers le monde n’ont pas pu arrêter cette pandémie. Cependant, on a une vaccination qui peut nous protéger de la contamination et des cas sévères afin de réduire le nombre de décès. Les vaccins ont prouvé leur efficacité. Les études scientifiques affirment que la vaccination protège des formes sévères à plus de 90%. La hausse du nombre de cas n’est pas synonyme de complications et de hausse des cas sévères et du nombre de décès.
Pour ce qui est de l’allègement de certaines mesures dans notre pays, il est à noter que ce sont des décisions de souveraineté qui s’appuient essentiellement sur les rapports et avis des scientifiques et soumises à des consultations et à des équilibres entre les différents secteurs. L’Algérie a, depuis le début de la pandémie, suivi une stratégie épidémiologique d’aplanissement de la courbe qui a donné de bons résultats, à savoir l’allègement et le durcissement des mesures tributaires de la situation épidémiologique. C’est une façon de cohabiter avec le virus.
Quand pourra-t-on parler de fin de la pandémie ?
On ne pourra parler de fin de la pandémie que lorsque l’on atteindra l’immunité collective. En effet, même si on arrive à zéro cas de contamination et zéro décès, il ne faudra pas crier victoire ni anticiper.
L’enregistrement de zéro cas peut être synonyme de fin de la pandémie, mais on restera dans l’épidémie, voire la “maladie endémique”. Cependant, on aura toujours besoin de la vaccination, notamment pour la catégorie fragile dont les personnes âgées, celles souffrant de pathologies chroniques, les femmes enceintes et toute personne qui a une immunité faible.
Entretien réalisé par : FAOUZI SENOUSSAOUI