Enjeu national majeur, la sécurité alimentaire est au cœur des préoccupations de l’État et des acteurs économiques et sociaux. Des études menées par le CREAD préconisent de mettre en place de nouvelles stratégies agricoles en mesure de réduire la dépendance au marché extérieur.
Malgré le recours aux politiques de subvention de l’agriculture, l’autosuffisance alimentaire n’a pas suivi et la sécurité alimentaire est en partie assurée par les importations, notamment pour les produits alimentaires essentiels.
“La consommation alimentaire, en Algérie, augmente deux fois plus que la production agricole. Les produits sont disponibles mais ils restent dépendants des marchés internationaux”, a fait remarquer le Dr Bouzid Amel, maître de recherche au Centre de recherche en économie appliquée pour le développement (Cread), lors d’un séminaire, sur “la sécurité alimentaire en Algérie : enjeux actuels et défis à venir”, organisé à l'École nationale d'administration (ENA).
Évoquant les quatre dimensions de la sécurité alimentaire, le Dr Bouzid Amel relève que l’Algérie figure parmi les premiers importateurs de blé et le troisième acheteur de lait. “Les produits de base sont accessibles, car ils sont fortement subventionnés, mais les fruits et légumes restent chers et les viandes très chères”, a-t-elle ajouté.
La question de la sécurité alimentaire en Algérie a constitué une priorité pour les pouvoirs publics depuis l’indépendance. Jusqu’à la fin des années 1980, cette problématique se traduisait dans les discours officiels par la référence à l’objectif “d’autosuffisance alimentaire”.
Ce n’est qu’au cours des décennies 1990 et 2000 que l’objectif affiché devient la “sécurité alimentaire”. L’objectif de sécurité alimentaire se retrouve dans tous les documents stratégiques fondateurs des politiques agricoles adoptées par le pays.
En prenant en compte les dimensions économiques, sociales et environnementales, des programmes d’intensification de la production agricole et de la pêche et l’aquaculture ont alors été mis en œuvre.
L’État a mis en place des stratégies pour assurer la sécurité alimentaire à travers l’accompagnement financier des agriculteurs, des pêcheurs et des investisseurs (crédits et subventions) et l’accompagnement technique à travers le conseil, la recherche et l’innovation.
La sécurité alimentaire correspond à un état d’équilibre, entre l’offre et la demande de biens alimentaires, permettant à tous les habitants d’accéder à une alimentation saine et équilibrée pour une bonne qualité de vie. Cet équilibre en Algérie, selon certains chercheurs, est essentiellement dû à l’intervention massive de l’État.
L’offre et la demande sont, en partie, financées par le Trésor public. La demande alimentaire, toujours croissante, est surtout couverte par les importations complémentaires. En effet, le poids des importations dans la satisfaction des besoins nationaux est estimé à plus de 50%.
Selon le Dr Bouzid Amel, l’Algérie importe 83% de ses besoins en blé tendre et 50% en blé dur. Notre pays est un importateur net en matière de sucre, d’huile végétale et de maïs pour l’alimentation du bétail.
Pour les produits maraîchers, la production est plus ou moins satisfaisante. Cependant la production locale reste, aussi, dépendante des importations d’intrants : engrais, traitements phytosanitaires et semences.
Sous utilisation du foncier
Ces indicateurs révèlent très clairement une vulnérabilité alimentaire de l’Algérie, en lien avec sa capacité à disposer de moyens de paiement extérieurs et l'évolution des cours mondiaux des matières premières alimentaires.
Le Dr Bouzid Amel indique que sur le plan quantitatif, la ration alimentaire de l’Algérie a été multipliée par deux. Mais sur le plan qualitatif, elle pointe le poids important des produits végétaux dans la composition de la ration alimentaire. Même si la part des protéines animales a été multipliée par 3, elle demeure insuffisante. Elle ne représente que 27% des protéines totales.
Pour autant, l’Algérie affiche ainsi à l’échelle internationale des scores positifs en matière de sécurité alimentaire. En effet, selon le Global Food Security Index, le pays a réalisé un score de 63,9 (pays à faible risque alimentaire) sur une échelle qui comptait 100 points, en 2020, contre 43 en 2010.
Le professeur Ali Daoudi, de l’École nationale supérieure d’agronomie, a insisté sur le lien entre le foncier et le développement agricole. Il a évoqué deux grandes phases en termes de politique foncière. Durant les années 60 et 70, les autorités publiques “ont tout fait pour constituer un domaine foncier national”, faisant, ainsi, de l’État algérien le plus gros terrien du foncier. Dans les années 80, des réformes ont été introduites pour mettre à la disposition des exploitants agricoles ce foncier.
Cependant, le cadre juridique qui encadre l’accès et l’utilisation du foncier en Algérie est encore incomplet et insuffisant. Ce qui génère des situations de sous-utilisation de ce foncier. “Ce qui détermine la production agricole, c’est un ensemble de facteurs de l’environnement économique”, souligne Ali Daoudi.
Ce dernier estime que le régime foncier, les modèles productifs et les structures financières et productives sont au cœur des dynamiques agricoles. Ali Daoudi plaide, notamment, pour la révision des cahiers des charges qui définissent l’utilisation des terres publiques et la mise en place d’une politique qui remembre des terres.
Le chercheur a mis l’accent sur la conséquence du régime foncier sur les exploitations agricoles et leurs performances. Il évoque l’exemple de la céréaliculture. La taille moyenne des exploitations céréalières, en 2001, était de seulement 6,8 ha.
Ce qui explique que les niveaux de rendement ont relativement stagné. Pour Ali Daoudi, la contreperformance de la céréaliculture est liée au problème de structure. “Si les structures ne changent pas, le progrès technique n’entrera pas”, a-t-il soutenu. “Il est impératif d’avoir une politique de structure pour réformer la céréaliculture. Sinon, tous les espoirs en termes d’amélioration de la production seraient vains”, a-t-il fait savoir.
La relation taille-productivité est largement vérifiée dans le cas des grandes cultures. Ali Daoudi précise que la structure foncière n’est pas le seul facteur déterminant, mais c’est un facteur qui pèse lourdement dans le choix des agriculteurs et dans la capacité d’investissement et d’intensification. Un ancien ministre de l’Agriculture, qui a participé à la rencontre, a évoqué “un blocage dans le gisement de productivité”.
Meziane RABHI