La grève générale déclenchée dimanche par les travailleurs de la commune d’Oran en raison du retard dans le versement de leurs salaires s’est poursuivie, hier, pour la deuxième journée consécutive et ce, en dépit des assurances du chef de l’exécutif local sur le déblocage imminent de la situation et le versement des salaires d’ici à la fin de la semaine en cours.
Pour suspendre leur mouvement de contestation, les travailleurs exigent le versement immédiat de leurs salaires, mais aussi l’amélioration de leurs conditions de travail. Les délégués des protestataires réclament que les salaires de base – actuellement plafonnés à 9 000 DA – soient alignés sur le nouveau SNMG de 20 000 DA, et que soient versées les primes bloquées depuis plusieurs années, comme les primes d’ancienneté et de scolarité, qui n’ont pas été perçues depuis 2014 et 2019, affirment les travailleurs.
Intervention de l'Intérieur
La grève se poursuit malgré l’intervention du ministère de l’Intérieur, des Collectivités locales et de l'Aménagement du territoire dans le but d’apporter des solutions à une APC qui se trouve désormais à découvert après le gel de tous ses comptes courants. Le département de Kamel Beldjoud a, en effet, saisi le ministère des Finances pour débloquer les salaires des travailleurs de l’APC d’Oran. Dans une correspondance, dont Liberté détient une copie, le ministère de l’Intérieur constate que “le déficit financier dans la trésorerie de la commune d’Oran s’est répercuté sur le fonctionnement de ses services et la couverture des dépenses obligatoires, en particulier les salaires des travailleurs”, et sollicite du département des Finances qu’il “autorise le trésorier de la commune d’Oran à verser les salaires des trois mois de février, mars et avril 2022 aux travailleurs”.
Le ministère de tutelle précise que ses services ont été destinataires de plusieurs rapports détaillés sur le déficit de cette commune et le retard dans le versement des salaires, tout en soulignant qu’un plan est à l’étude avec les services de la wilaya d’Oran pour assurer le versement des salaires durant l’exercice 2022. Les travailleurs de l’APC d’Oran, qui n'ont pas été payés depuis deux mois, devraient ainsi percevoir leur rémunération jeudi prochain au plus tard. Le mouvement de protestation qui secoue la commune d’Oran depuis dimanche a également “ressuscité” les accusations de mauvaise gestion régulièrement portées contre l’ancien exécutif, auquel il est reproché la “mise à sac” de la plus grande APC d’Algérie. Depuis son installation, le nouvel exécutif communal ne cesse de fustiger la gestion de l’ancienne équipe FLN, responsable et ce lourd héritage.
Le wali d’Oran, non plus, n’y est pas allé par quatre chemins pour accuser l’exécutif sortant de mauvaise gestion, à l’occasion de son discours d’ouverture de la session de formation des nouveaux élus, qui s’est tenue début mars. Il avait soutenu que l’ancienne APC était “un exemple de mauvaise gestion” et annoncé que des plaintes avaient été déposées contre quatre anciens élus. Dans une correspondance datée du 17 mars 2022, le ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales a aussi déploré “le déficit dans la trésorerie de cette commune causé par la mauvaise gestion”.
Bombe à retardement
Des élus de l’actuelle APC, qui ont dressé un réquisitoire contre les “abus” de l’équipe sortante, n’hésitent pas à parler de “bombe à retardement” et d’“héritage empoisonné”. “Il n’est pas question de mauvaise gestion durant le règne de l’ancien exécutif communal, mais de l’absence de gestion. La commune fonctionnait de manière aléatoire, les créances dépassaient les 620 milliards de centimes et nous avons trouvé dans le parc communal seulement cinq camions en service. Tout le matériel roulant de la commune a été désossé. Les moteurs des véhicules ont été emportés et les pièces de rechange se sont envolées. Les primes et autres indemnités n’ont pas été versées aux travailleurs depuis plusieurs années. Il y a également le gel du contentieux judiciaire, ce qui a eu pour conséquence de graves préjudices pour la commune. Les élus sont également sans salaires depuis trois mois et ne disposent pas des véhicules de service, qui sont réquisitionnés par des employés qui n’apportent rien à la commune. Le wali, qui est au courant de cette situation, nous a exprimé à maintes reprises son soutien”, affirme Amine Benamara, élu communal et président de la commission de la santé, de l’hygiène et de l’environnement. Les membres de l’exécutif communal ont également appelé les pouvoirs publics à “ouvrir des enquêtes urgentes sur la gestion de l’ancien exécutif et engager des poursuites judiciaires contre les mis en cause dans le détournement des biens de cette collectivité locale”. Des délégués des travailleurs ont aussi dénoncé des membres de l’ancienne équipe, dont certains auraient, selon leurs propos, “amassé des fortunes douteuses” et “des biens en Algérie et à l’étranger”.
Arezki M.